Qui était le véritable Cyrano de Bergerac dont s'est inspiré Rostand?
Pièce inspirée d’une histoire vraie : qui était le vrai Cyrano ?
Cyrano de Bergerac a réellement existé. C’est un auteur libertin du XVIIème siècle. Le mot « libertin » vient du latin « libertinus » qui signifie « esclave affranchi ». Au XVIIème siècle, le libertinage est essentiellement un libertinage d’esprit. Les libertins sont des libres penseurs qui revendiquent leur indépendance à l’égard du pouvoir politique et religieux. Théophile de Viau, poète le plus lu au XVIIème siècle, est condamné et emprisonné pour avoir écrit des textes blasphématoires et irrévérencieux (=qui manque de respect). De tels auteurs ont ouvert la voie au libertinage de mœurs au XVIIIème siècle, incarné principalement par Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos.
Le vrai Cyrano a combattu comme cadet, mais il n’était pas gascon (il est né à Paris). C’était un homme hors du commun, caractérisé par sa liberté d’esprit et de parole et par son goût immodéré pour la provocation. L’incroyable épisode de la porte de Nesle (fin de l’acte I) dans lequel Cyrano met seul en déroute une centaine d’hommes, est attesté dans les témoignages de l’époque. De même, la scène où le protagoniste demande à Montfleury de sortir de la scène (I,4) a véritablement eu lieu à l’Hôtel de Bourgogne. D’ailleurs, le vrai Cyrano a écrit une lettre à Monfleury, intitulée « contre le gras Montfleury, mauvais acteur et comédien » dans laquelle on peut lire : « hé quoi ! vous n’ouvrez jamais la bouche qu’on ne se souvienne de la fable de Phaéton, où le globe de la Terre parle ; oui, le globe de la Terre ; et si la Terre est un animal, vous voyant aussi rond et aussi large qu’elle, je soutiens que vous êtes son mâle, et qu’elle a depuis peu accouché de l’Amérique, dont vous l’aviez engrossée (=mettre enceinte). » Montfleury est marié à la Terre et a donné naissance à l’Amérique. Dans l’ouvrage de Charles Dassoucy, Libertins du XVIIème siècle, Dassoucy disait de Cyrano qu’il était « furieux soldat ». Quant à son fidèle ami Lebret qui a réellement existé, il écrit que les Gascons considéraient Cyrano comme « le démon de la bravoure » ou encore « un homme d’esprit très rare ». Il rayonne aussi bien dans le discours amoureux que dans la joute verbale.
Le vrai Cyrano est lui-même auteur de plusieurs lettres d’amour fictives adressées à des femmes, mais il était homosexuel (cf : https://gallica.bnf.fr/blog/20122019/qui-etait-le-veritable-cyrano-de-bergerac?mode=desktop ).
C’était un homme plein de panache. D’ailleurs, lors de son discours d’entrée à l’Académie française (4 juin 1903), Rostand a accordé un long développement au mot « panache », voici ce qu’il en dit : « Qu’est-ce que le panache ? Il ne suffit pas, pour en avoir, d’être un héros. Le panache n’est pas la grandeur, mais quelque chose qui s’ajoute à la grandeur, et qui bouge au-dessus d’elle. C’est quelque chose de voltigeant, d’excessif, – et d’un peu frisé. Si je ne craignais d’avoir l’air bien pressé de travailler au Dictionnaire, je proposerais cette définition : le panache, c’est l’esprit de la bravoure. Oui, c’est le courage dominant à ce point la situation qu’il en trouve le mot. Toutes les répliques du Cid ont du panache, beaucoup de traits du grand Corneille sont d’énormes mots d’esprit. Le vent d’Espagne nous apporta cette plume ; mais elle a pris dans l’air de France une légèreté de meilleur goût. Plaisanter en face du danger, c’est la suprême politesse, un délicat refus de se prendre au tragique ; le panache est alors la pudeur de l’héroïsme, comme un sourire par lequel on s’excuse d’être sublime. Certes, les héros sans panache sont plus désintéressés que les autres, car le panache, c’est souvent, dans un sacrifice qu’on fait, une consolation d’attitude qu’on se donne. Un peu frivole peut-être, un peu théâtral sans doute, le panache n’est qu’une grâce ; mais cette grâce est si difficile à conserver jusque devant la mort, cette grâce suppose tant de force (l’esprit qui voltige n’est-il pas la plus belle victoire sur la carcasse qui tremble ?) que, tout de même, c’est une grâce… que je nous souhaite. » Le panache est le signe d’une victoire obtenue par les mots et non par l’épée.
Le vrai Cyrano meurt prématurément à l’âge de 35 ans, dans des circonstances assez mystérieuses. Il reçoit une pièce de bois sur la tête en sortant de chez le duc d'Arpajon, sans que l’on sache s’il s’agit d’un accident ou d’une tentative de meurtre orchestré par l'entourage de ce dernier. S’ensuit une violente fièvre qui cause sa mort à Sannois, où il s’est réfugié, le 28 juillet 1655. La pièce de bois reçue sur la tête est reprise dans la pièce.