• Sujet d'écriture personnelle traitée en classe: quelle place doit-on accorder aux souvenirs? (correction du professeur)

     

    Rédaction de l'écriture personnelle

     

    Il est très important de rappeler que les mentions d'introduction, d'amorce et les titres en général sont à bannir le jour de l'examen et lors des travaux réalisés en classe. Ils sont donnés ici pour faciliter la lecture et mettre en valeur le plan d'un seul coup d'oeil. Vous pouvez , si vous préférez, vous constituer un dossier dans lequel vous recopierez la correction en retirant les titres. Si certains sujets sur le blog ont été traités par des élèves, celui-ci est une correction du professeur pour aider les étudiants qui rencontrent des difficultés. La lecture, l'imprégnation permettent de progresser.

     

     

     

    Bon courage à vous tous !

     

     

     

     

     

     

    Introduction

     

    A)amorce (=introduction du sujet)

     

    Les souvenirs, comme le rappelle Proust -ceux qui font ressurgir un passé oublié resté intact dans la mémoire involontaire- ne surgissent pas sur commande. Ils jaillissent au gré d'un hasard que l'on ne maîtrise pas. A ces souvenirs impromptus se superposent ceux que l'on a intellectualisés, que l'intelligence a classés, issus de la mémoire volontaire mais bien moins puissants.

     

    B)Problématique et reformulation du sujet

     

    Quelle place doit-on accorder aux souvenirs ? Quel rôle jouent-ils dans notre vie ? Sont-ils fiables ou au contraire discutables, remodelés par le présent ?

     

    C)Plan

     

    C'est ce que nous allons essayer d'analyser. Nous évoquerons tout d'abord les pièges de la mémoire et le nécessaire oubli, pour nous intéresser finalement aux vertus du souvenir.

     

     

     

    Développement

     

    I-Les dangers de la mémoire

     

       Tout d'abord, la mémoire peut être un danger. Il faut s'en méfier. Ainsi, François Marmion dans un article de magazine de Sciences humaines nous met en garde contre la tentation de croire à tous nos souvenirs. A travers les exemples du psychologue Jean Piaget et d'Elisabeth Loftus, il rappelle qu'il faut se méfier de ce dont nous nous rappelons. Parfois, la remémoration porte sur un faux souvenir parvenant de témoins extérieurs qui nous ont mis en tête des événements qui n'ont pas existé en réalité, surtout lorsque nous étions enfants. Le sociologue, Marc Augé dans son ouvrage intitulé Les Formes de l'oubli rappelle que tout souvenir est une reconstruction de sensations passées qu'on a voulu préciser, mettre en mots. Le récit n'est donc pas la réalité de ce que nous avons vécu, mais un remodelage du passé après l'érosion du temps. En somme, l'oubli efface certains moments de notre vie et la mémoire en sélectionne d'autres qu'elle décide de mettre au premier plan du récit de vie. Le récit de George Pérec W ou le souvenir de l'enfance relate un souvenir qui a été déformé par le narrateur. Alors que dans sa mémoire, il se rappelait avoir été une victime héroïque, il ne fut en réalité qu'un simple témoin. Ainsi, la mémoire nous joue des tours, il faut donc rester prudent sur les traces de son souvenir. Faut-il pour autant rejeter tout événement passé retranscrit au présent ?

     

     

     

    II-L'oubli : un nécessaire passage pour éviter la souffrance ou le trop-plein d'informations

     

       Si la mémoire est la capacité de se souvenir, Freud dirait même qu'elle est gardée au fond de notre inconscient et qu'elle passe donc par un effacement du souvenir dans la conscience, elle n'en est pas moins insupportable lorsqu'elle est trop importante. L'écrivain argentin Jean-Louis Borgès met en scène dans sa nouvelle « Funes ou la mémoire » un personnage qui retient tout, ce qu'on appelle un hypermnésique. L'hypermnésie se traduit par une mémoire surdimensionnée. Elle est considérée dans le domaine médical comme une pathologie. Dans le cas d'une hypermnésie émotionnelle, les événements traumatisants de la guerre sont ressassés, il s'agit du syndrome de Targowla. Le personne souffrant de ce trouble voit réapparaître des moments complets de son passé, la nuit, sous forme de cauchemar et même le jour sur un mode hallucinatoire. Borgès, à travers le personnage d'Irénée Funes, montre les ravages d'une mémoire trop grande. L'oubli est nécessaire pour bien penser, ce que ne parvient pas à faire le protagoniste. Le narrateur commente le destin de ce personnage et son incapacité à réfléchir par lui-même, car il ne parvient pas à oublier : « Penser c'est oublier des différences, c'est généraliser, abstraire. Dans le monde surchargé de Funes il n'y avait que des détails presque immédiats. » Dans le poème de Baudelaire « J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans », l'écrivain raconte les conséquences d'une mémoire trop importante. Son esprit est semblable à un cimetière rempli de remords et d'ombres du passé, l'obligeant à rester reclus. Les souvenirs nous hantent .Comme le rappelle Marc Augé, ce sont surtout les événements traumatisants qui restent prégnants, c'est pourquoi l'oubli permet un effacement salvateur. Le réalisateur Michel Gondry, dans son film Eternal Sunshine of the spotless mind imagine un scénario dans lequel ses deux protagonistes subiraient une intervention médicale afin d'oublier tous les souvenirs douloureux. L'oubli est-il préférable à la mémoire quand les souvenirs sont douloureux ?

     

     

     

    Les vertus du souvenir

     

      Nous allons pourtant voir dans un dernier temps que le souvenir, loin de ressembler à un album photo qui garderait intact des pans de notre passé, est en perpétuel mouvement. Il manque parfois de précision et est redessiné par notre conscience du moment. Il permet finalement de réinventer l'histoire de manière plus acceptable. En 1963, Jeanne Moreau chantait « J'ai la mémoire qui flanche » pour relater un deuil amoureux dont elle a oublié les contours : « J'ai la mémoire qui flanche, je ne me souviens plus très bien. Voilà qu'après toutes ces nuits blanches, il ne reste plus rien. Rien qu'un petit air qu'il sifflotait chaque jour en se rasant. » Il lui reste un souvenir positif : l'air que chantait son amant lorsqu'ils étaient ensemble. Dans W ou le souvenir de l'enfance , George Pérec propose un bon exemple du travail de la mémoire mis en récit et permettant la résilience (=sortir plus fort d'une situation traumatisante). Il invente un récit dans lequel il masque la dure réalité et crée un monde qui a pour lui une vertu thérapeutique, constitué de pans d'une réalité insupportable qu'il a remodelée par le biais de son imagination créatrice et grâce à l'oeuvre d'art que constitue l'écriture d'un roman.

     

     

     

    Conclusion (réponse à la question posée en donnant son avis personnel sans utiliser la 1ère personne du singulier)

     

    Si on ne peut prendre tout souvenir pour argent comptant, on ne peut nier que la réminiscence possède un lien avec notre présent, car elle l'explique d'une certaine façon en remodelant le passé à la lumière de la conscience actuelle. Si l'oubli est nécessaire, surtout lorsque l'événement est douloureux, son impact doit être adouci, on ne pourrait vivre sans mémoire. Les gens atteints de la maladie d'Alzheimer souffrent atrocement de cette coupure totale avec ce qu'ils ont vécu qui constitue aussi une part de leur identité.

     


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