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Par Christelle Bouley le 7 Juillet 2021 à 23:42
Etre humain ou être sage ? Aimer ou être sage ? Une réflexion de G.Orwell
« Etre humain consiste essentiellement à ne pas rechercher la perfection, à être parfois prêt à commettre des péchés par loyauté, à ne pas pousser l'ascétisme jusqu'au bout où il rendrait les relations amicales impossibles, et à accepter finalement d'être vaincu et brisé par la vie, ce qui est le prix inévtiable de l'amour que l'on porte à d'autres individus. Sans doute l'alcool, le tabac et le reste sont-ils des choses dont un saint doit se garder, mais la sainteté est aussi quelque chose dont les être humains doivent se garder. […] Dans cette époque qui regorge de yogis, on suppose trop facilement que le « non-attachement » est non seulement préférable à une pleine acceptation de la vie terrestre, mais que l'homme ordinaire ne rejette ce principe que parce qu'il est trop exigeant : en d'autres termes, parce que l'être humain moyen est un saint raté. C'est vraisemblablement faux. Beaucoup de gens ne souhaitent pas sincèrement être des saints – et il est probable que plusieurs de ceux qui attaignent ou aspirent à atteindre la sainteté n'ont jamais ressenti vraiment la tentation d'être des êtres humains. Si l'on pouvait le suivre jusqu'à ses racines psychologiques, on trouverait, je crois, que le principal motif du non-attachement est le désir d'échapper à la douleur de vivre, et surtout à l'amour, qui, sexuel ou non sexuel, est une tâche difficile. Mais il n'est pas nécessaire ici de se demander lequel de l'idéal d'un autre monde ou de l'idéal humaniste est « supérieur ». Le fait est qu'ils sont incompatibles. Il faut choisir entre Dieu et l'Homme, et tous les « radicaux » et « progressistes », du plus doux des libéraux au plus extrême anarchiste, ont choisi l'Homme. »
G.Orwell, « Reflection on Gandhi » (1949), In Partisan Review.
Extrait du Hors série de Philosophie Magazine N°48, consacré à G.Orwell.
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Par Christelle Bouley le 4 Août 2020 à 15:25
Un conte japonais : le cadeau d'insulte
Où l'insulte, au lieu d'atteindre sa cible, revient percuter son émetteur.
« Près de Tokyo vivait un grand samouraï, déjà âgé, qui se consacrait désormais à enseigner le bouddhisme Zen aux jeunes. Malgré son âge, on murmurait qu'il était encore capable d'affronter n'importe quel adversaire.
Un jour arriva un guerrier réputé pour son manque total de scrupules. Il était célèbre pour sa technique de provocation : il attendait que son adversaire fasse le premier mouvement et, doué d'une intelligence rare pour profiter des erreurs commises, il contre-attaquait avec la rapidité de l'éclair.
Ce jeune et impatient guerrier n'avait jamais perdu un combat. Comme il connaissait la réputation du samouraï, il était venu pour le vaincre et accroitre sa gloire. Tous les étudiants étaient opposés à cette idée, mais le vieux Maitre accepta le défi. Ils se réunirent tous sur une place de la ville et le jeune guerrier commença à insulter le vieux Maitre. Il lui lança des pierres, lui cracha au visage, cria toutes les offenses connues – y compris à ses ancêtres.
Pendant des heures, il fit tout pour le provoquer, mais le vieux resta impassible. A la tombée de la nuit, épuisé et humilié, l'impétueux guerrier se retira. Dépités d'avoir vu le Maitre accepter autant d'insultes et de provocations, les élèves questionnèrent le Maitre : « Comment avez-vous pu supporter une telle indignité ? Pourquoi ne vous êtes-vous pas servi de votre épée, même sachant que vous alliez perdre le combat, au lieu d'exhiber votre lâcheté devant nous tous ?
-Si quelqu'un vous tend un cadeau et que vous ne l'acceptez pas, à qui appartient le cadeau ? demanda le samouraï.
-A celui qui a essayé de le donner, répondit un des disciples.
-Cela vaut aussi pour l'envie, la rage et les insultes, dit le Maitre. Lorsqu'elles ne sont pas acceptées , elles appartiennent toujours à celui qui les porte dans son cœur. »
Cité in J-C Seznec, L.Carouana, Savoir se taire, savoir parler, Inter Editions, 2017.
L'éclairage d'Alexis Lavis
Cet épisode qui confine à la légende s'inspire sans doute en partie d'un passage célèbre du Soutra en 42 sections, premier texte bouddhique traduit en chinois, et qui dit : « Celui qui garde l'ampleur du cœur ouvert est comme le ciel. Rien ne l'offense. Celui qui cherche à nuire se nuit lui-même, il demeure seul avec l'écho de ses insultes. » C'est là l'aspect moral de ce conte qui reprend au fond cette maxime consistant à dire qu'il ne faut pas rendre l'insulte par l'insulte car cette dernière n'engage, véritablement, que celui qui l'émet. Toutefois, cette histoire de samouraï semble en dire davantage encore. Elle se déroule en effet durant un combat où chacun des adversaires se voit évidemment engagé. Les insultes du plus jeune combattant n'ont pas seulement pour but de déshonorer le plus âgé, mais de provoquer chez lui l'intention d'attaquer. C'est cette intention qui est la clé du combat, car c'est elle qui va décider de son issue. Ayant su demeurer le cœur aussi vacant qu'un ciel sans nuage, le vieux samouraï, à qui on ne le fait décidément pas, demeure une énigme pour son adversaire. Il n'offre aucune prise qui puisse permettre de lire la logique de son comportement et d'anticiper ses réactions. Rien n'est plus redoutable que l'inconnu où rien ne se décide, parce qu'il nous pousse à devoir décider sans savoir, c'est-à-dire à se confier à l'arbitraire. Or cela, dans un combat à mort, revient à prendre un risque tel que seul un fou s'y engagerait ; et le jeune samouraï, aussi effronté soit-il, ne l'était manifestement pas !
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Par Christelle Bouley le 15 Décembre 2018 à 21:46
Savinien,la racine du nez
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