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Sujet d'ESSAI:
Avons-nous le choix d'être libre?
Vous vous appuierez sur votre lecture d'Olympe de Gouges et Etienne de La Boétie, ainsi que sur votre culture personnelle.
Copie de 1ère ST2S (novembre 2024) du lycée Edouard Gand à Amiens, notée 19,5/20. Un demi-point a été retiré en raison d'une faute de syntaxe qui a été corrigée ici.
Appréciation: Travail riche et précis, répondant correctement au sujet en s'appuyant sur les lectures au programme. bonne compréhension des textes d'Olympe de Gouges et d'Etienne de La Boétie.
Le devoir est de surcroit bien organisé en paragraphes, avec l'utilisation de connecteurs logiques appropriés.
Copie:Pour commencer, le désir de liberté est un des plus grands idéaux humains. Pourtant, dans Le Discours de la servitude volontaire, écrit par Étienne de La Boétie en 1577, durant le mouvement littéraire humaniste, il s’interroge : pourquoi tant de gens acceptent-ils de rester soumis alors qu’ils pourraient choisir d’être libres ? Il avance que, bien souvent, la servitude est une forme d’habitude et de consentement. De son côté, Olympe de Gouges, dans La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, écrit en 1791, dénonce aussi l’oppression, mais cette fois envers les femmes, qui sont privées des mêmes droits que les hommes. Pour ces deux auteurs, la liberté est un choix, mais un choix difficile à faire, car de nombreux obstacles s’y opposent. Dans cet essai, nous nous demanderons donc si nous avons vraiment la possibilité de choisir la liberté, en explorant d’abord la liberté comme un état naturel, puis les obstacles qui nous empêchent de la réaliser, et enfin l’importance d’une prise de conscience personnelle et collective.
Tout d'abord, pour La Boétie, la liberté est notre état naturel. Il affirme que « l’homme est né libre » et que ce droit est essentiel à sa dignité. Selon lui, chaque personne a donc, dès sa naissance, la possibilité d’être libre et de ne dépendre de personne. Pourtant, il observe que les peuples se laissent dominer par des tyrans, non pas par force, mais par une sorte d’acceptation. Il écrit que « les hommes naissent libres et qu’ils ne se laissent asservir que parce qu’ils le veulent bien. » Olympe de Gouges reprend cette idée, en affirmant dans La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne que « la femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits. » (p.18) Pour elle, la liberté est un droit naturel qui appartient aussi bien aux femmes qu’aux hommes, mais qui leur est injustement refusé par la société. Cette conception de la liberté comme état naturel signifie que chacun pourrait, en théorie, choisir d’être libre, mais ce choix est souvent rendu difficile par des forces extérieures.
De plus, La Boétie pense que l’habitude de l’obéissance est l’une des raisons principales pour lesquelles les gens n’arrivent pas à choisir la liberté. Il explique que «Certes, chacun de nous ressent en soi, dans son propre cœur, l'impulsion toute instinctive de l'obéissance envers ses père et mère.»(p.32) En d’autres termes, lorsque les gens sont habitués à obéir, ils finissent par s’y adapter, comme si c’était normal. C’est cette habitude qui empêche les hommes de choisir la liberté, car elle devient un automatisme. De même, pour Olympe de Gouges, les femmes sont élevées dans une société qui les prépare à la soumission dès leur plus jeune âge. Elle appelle les femmes à « secouer le joug des préjugés », c’est-à-dire à se libérer de cette habitude d’obéissance aux hommes. Pour ces deux auteurs, la liberté est un choix théoriquement possible, mais l’habitude de la soumission nous en éloigne.
Ensuite, La Boétie pointe aussi la manière dont les tyrans manipulent la société pour maintenir le peuple dans la servitude. Il écrit que les tyrans offrent des privilèges et des récompenses à certains individus pour s’assurer leur fidélité, les poussant ainsi à accepter la servitude en échange de quelques avantages. Cette manipulation montre que, parfois, la société ne laisse pas réellement de place au choix de la liberté. De même, Olympe de Gouges dénonce la société patriarcale qui limite les droits des femmes et les enferme dans des rôles traditionnels. Elle déclare que « les femmes ont le droit de monter à l’échafaud, elles doivent aussi avoir celui de monter à la tribune », en montrant ainsi qu’on ne leur laisse pas la possibilité de choisir une vie politique égale à celle des hommes. Ces deux exemples montrent que la société peut rendre le choix de la liberté difficile, en privant certaines personnes de l’égalité et en imposant des rôles sociaux.
Par ailleurs, face à ces obstacles, La Boétie et Olympe de Gouges insistent sur la nécessité d’une prise de conscience. La Boétie écrit : « Soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libres. » Pour lui, la liberté commence par un éveil, une volonté de se libérer de la servitude volontaire. Il pense que si chacun refuse de se soumettre, alors le tyran perd tout pouvoir. De même, Olympe de Gouges appelle les femmes à s’unir pour défendre leurs droits et pour revendiquer l’égalité. Elle montre que la liberté n’est pas seulement un acte individuel, mais qu’il peut être plus efficace s’il est collectif. Selon elle, c’est en se mobilisant et en refusant la soumission que les femmes pourront obtenir leurs droits. Cette prise de conscience, à la fois individuelle et collective, est donc essentielle pour que le choix de la liberté devienne une réalité.
Pour conclure, bien que la liberté soit théoriquement un choix, ce choix est limité par des obstacles comme l’habitude, les privilèges et les normes imposées par la société. La Boétie et Olympe de Gouges montrent tous deux que la liberté peut être atteinte, mais qu’elle exige un réveil personnel et une mobilisation collective. Ils nous rappellent que, même si le choix de la liberté est difficile, il n’en reste pas moins possible, et que chacun, en prenant conscience de sa situation et en agissant, peut contribuer à le réaliser.
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Discours de la servitude volontaire-Commentaire rédigé
Etienne de La Boétie Discours de la servitude volontaire (1576)
Ce réquisitoire (discours dans lequel on accumule les accusations) contre la tyrannie et notamment l’absolutisme, appelé aussi le Contr’un, propose à l’homme une réflexion sur les raisons qui le pousse à s’asservir. Etienne de La Boétie, ami de Montaigne, prône une forme de désobéissance passive qui, paradoxalement, doit rétablir une obéissance libre. Ecrit par Etienne de La Boétie alors qu’il n’avait que 18 ans, ce texte nous questionne sur la légitimité (qualité de ce qui est équitable, juste. Faire la différence entre légitime et légal) de toute autorité et essaie d’analyser les raisons de la soumission. C’est une réflexion libertaire –qui place la liberté en valeur suprême-. La Boétie associe, de façon paradoxale, le nom « servitude » et l’adjectif « volontaire ».
Pauvres gens misérables, peuples insensés, nations opiniâtres (1) à votre mal et aveugles à votre bien ! Vous vous laissez enlever sous vos yeux le plus beau et le plus clair de votre revenu, vous laissez piller vos champs, voler et dépouiller vos maisons des vieux meubles de vos ancêtres ! Vous vivez de telle sorte que rien n’est plus à vous. Il semble que vous regarderiez désormais comme un grand bonheur qu’on vous laissât seulement la moitié de vos biens, de vos familles, de vos vies. Et tous ces dégâts, ces malheurs, cette ruine, ne vous viennent pas des ennemis, mais certes bien de l’ennemi, de celui-là même que vous avez fait ce qu’il est, de celui pour qui vous allez si courageusement à la guerre, et pour la grandeur duquel vous ne refusez pas de vous offrir vous-mêmes à la mort. Ce maître n’a pourtant que deux yeux, deux mains, un corps, et rien de plus que n’a le dernier des habitants du nombre infini de nos villes. Ce qu’il a de plus, ce sont les moyens que vous lui fournissez pour vous détruire. D’où tire-t-il tous ces yeux qui vous épient, si ce n’est de vous ? Comment a-t-il tant de mains pour vous frapper, s’il ne vous les emprunte ? Les pieds dont il foule vos cités ne sont-ils pas aussi les vôtres ? A-t-il pouvoir sur vous, qui ne soit de vous-mêmes ? Comment oserait-il vous assaillir, s’il n’était d’intelligence (2) avec vous ? Quel mal pourrait-il vous faire, si vous n’étiez les receleurs (3) du larron (4)qui vous pille, les complices du meurtrier qui vous tue et les traîtres de vous-mêmes ? Vous semez vos champs pour qu’il les dévaste, vous meublez et remplissez vos maisons pour fournir ses pilleries, vous élevez vos filles afin qu’il puisse assouvir sa luxure (5), vous nourrissez vos enfants pour qu’il en fasse des soldats dans le meilleur des cas, pour qu’il les mène à la guerre, à la boucherie, qu’il les rende ministres de ses convoitises (6) et exécuteurs de ses vengeances. Vous vous usez à la peine afin qu’il puisse se mignarder(7) dans ses délices et se vautrer dans ses sales plaisirs. Vous vous affaiblissez afin qu’il soit plus fort, et qu’il vous tienne plus rudement la bride (8) plus courte. Et de tant d’indignités que les bêtes elles-mêmes ne supporteraient pas si elles les sentaient, vous pourriez vous délivrer si vous essayiez, même pas de vous délivrer, seulement de le vouloir.
Soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libres. Je ne vous demande pas de le pousser, de l’ébranler, mais seulement de ne plus le soutenir, et vous le verrez, tel un grand colosse dont on a brisé la base, fondre sous son poids et se rompre.La Boétie, extrait du Discours de la servitude volontaire
Vocabulaire
1)opiniâtre : têtu, entêté, obstiné
2)Etre d'intelligence avec qqn : s'entendre avec qqn.
3)receleur : personne coupable d’un recel (=vol, fraude, infraction)
4)larron : voleur. Les « receleurs du larron » signifie les «voleurs du voleur ».
5)Luxure : recherche déréglée des plaisirs sexuels. Péché de la chair. Il fait partie des 7 péchés capitaux avec la gourmandise, l’avarice, l’envie, l’orgueil, la paresse, la colère.
Synonyme : lubricité/Antonyme : chasteté, pureté.
6)convoitise : désir de posséder une chose qui appartient à autrui, envie.
7)mignarder : qui se montre gracieux, joli, délicat.
8)Tenir la bride: le serrer de près, ne pas lui laisser la liberté de ses actions.
Commentaire rédigé :
N.B : Les parties et les sous-parties sont données, afin de mettre en évidence la structure du devoir mais elles ne devront pas apparaitre sur votre copie. Ce travail en 3 parties est plutôt attendu pour des 1ères générales que technologiques. En série technologique, seules deux parties sont attendues.
Introduction :
La Boétie écrit Discours de la servitude volontaire en 1547, alors qu'il n'a que 18 ans. L'année 1547 est une année de transition : François Ier, qui avait entrepris une œuvre de centralisation monarchique, meurt et Henri II prend le pouvoir. Le chapitre XXVIII du livre premier des Essais de Montaigne précise concernant ce texte : « C’est un discours auquel il donna le nom de La Servitude volontaire, mais ceux qui l’ont ignoré l’ont bien proprement depuis rebaptisé Le Contre’un. Il l’écrivit par manière d’essai en sa première jeunesse, à l’honneur de la liberté contre les tyrans. » Il est possible que la cruelle répression de la révolte contre la gabelle qui, en 1548, souleva les populations laborieuses du sud-ouest de la France, ait inspiré à La Boétie une indignation d’où naquit le projet d’en finir avec l’odieuse dictature exercée par quelques-uns à l’encontre du plus grand nombre. A travers son Discours sur la servitude volontaire , La Boétie souhaite envoyer des recommandations à ce nouveau Prince pour l'engager à une conception nouvelle de la monarchie . Ce texte central pose la question suivante : en quoi ce réquisitoire contre la tyrannie pousse-t-il le peuple à devenir plus responsable ? Premièrement, nous verrons en quoi ce texte est un réquisitoire contre la tyrannie, nous poursuivrons sur les recommandations de l’écrivain, pour terminer sur la vision de l’écrivain concernant ses conceptions politiques.
I – Un réquisitoire contre la tyrannie
La Boétie fait un véritable réquisitoire contre la tyrannie qu'il juge injuste et confiscatoire (=elle confisque les biens qui appartiennent au peuple).
A – Le tyran, un voleur
Dans Discours de la servitude volontaire , le dirigeant est déprécié. Ce dernier qui est censé être un être exceptionnel et peut rappeler l’absolutisme royal, n'est mentionné qu'à travers des pronoms démonstratifs sans être nommé ou spécifié : « celui-là », « celui pour qui… et pour la grandeur d'où». Son corps , considéré comme sacré au 16ème siècle, est ramené à un corps quelconque à travers le registre réaliste :« deux yeux, deux mains, un corps ». Ce vocabulaire surprend car à cette époque, seul le registre épique est toléré pour évoquer le dirigeant politique et ce dernier ne peut être comparé qu’à des êtres mythologiques. Or ici, le registre est réaliste et le tyran est diminué à travers une tournure restrictive : « Ce maître n’a pourtant que … ». La périphrase « ce maître » est elle aussi dépréciative car elle ramène le dirigeant à une fonction, un métier alors que ce statut relève normalement de l’élection divine. Mais La Boétie va envore plus loin : il dresse du tyran le portrait d’un voleur. Le champ lexical du vol est très présent : « pauvres gens misérables », « enlever sous vos yeux », « piller », « dépouiller », « rien n’est plus à vous », « la moitié de vos biens », « larron qui vous pille », « ses pilleries ». Ce champ lexical du vol est mis en valeur par la démultiplication de l’adjectif possessif de la deuxième personne du pluriel qui marque la propriété : « votre revenu », « vos champs », « vos maisons », « vos ancêtres », « vos biens », « vos familles », « vos vies” ». Ces propriétés sont évoquées à travers une gradation : le tyran confisque les biens de son peuple à travers l’impôt « vos revenus », mais il vole aussi des biens immatériels comme la vie quand il parle de « vos vies » . Ce texte s’apparente donc bien à un procès dans lequel La Boétie accuse celui qui abuse de son pouvoir.
On retrouve d’ailleurs dans le texte une rhétorique judiciaire, comme le rythme ternaire suivi d’un rythme binaire au début du texte : « Pauvres gens misérables(1), peuples insensés(2), nations opiniâtres(3) à votre mal (1) et aveugles à votre bien ”(2) ! » . Le rythme ternaire est un crescendo classique dans la rhétorique judiciaire partant des individus pour s’élargir aux nations. Le rythme binaire met en balance le mal et le bien comme le ferait un juge.
B – La tyrannie, une tragédie
Dans ce texte, le registre pathétique est très présent, à travers notamment le champ lexical du malheur : « dégâts », « malheur », « ruine », « mort », « détruire », « indignités ». Les déterminants démonstratifs rendent encore plus présents et réels les éléments pathétiques : « ces dégâts, ces malheurs, cette ruine». Si quelques termes caractérisent le peuple de façon épique « courageusement », « grandeur », « vous offrir vous-mêmes à la mort» , ils sont déconstruits par le terme « boucherie » qui souligne qu’il s’agit d’un héroïsme inutile dont le tyran est indigne : « pour qu’il les mène à la guerre, à la boucherie» . Mais le plus tragique réside dans le fait que c’est le peuple lui-même qui est à l’origine de cette souffrance. C’est ce que montre l’analyse grammaticale des pronoms personnels « vous » : « Ce qu’il a de plus, ce sont les moyens que vous lui fournissez pour vous détruire », « Quel mal pourrait-il vous faire, si vous n’étiez les receleurs du larron qui vous pille, les complices du meurtrier qui vous tue et les traîtres de vous-mêmes». Dans ces phrases, le pronom « vous » est tantôt sujet tantôt objet. Cette alternance souligne que le peuple est à la fois sujet et objet de son malheur. Il s’enferme lui-même dans une circularité tragique – celle de la servitude volontaire.
Transition : Ce réquisitoire contre la tyrannie s’appuie sur la rhétorique antique pour rendre les propos plus percutants.
II – Les recommandations de l’écrivain
A – La rhétorique antique
On trouve dans cet extrait une rhétorique antique. Tout d’abord, la situation d’énonciation met en œuvre un « je » qui, comme un directeur de conscience, s’adresse à un « vous » omniprésent. L’auteur cherche à bousculer son auditoire comme en témoigne l’apostrophe dépréciative : « Pauvres gens misérables, peuples insensés, nations opiniâtres » et la modalité exclamative et interrogative très présente dans le texte.
Ensuite, on retrouve les étapes clés d’un discours rhétorique :
♦ L’exorde (début du discours rhétorique) : il s’agit de l’apostrophe initiale.
♦ La narration (deuxième partie du discours rhétorique) qui rappelle comment le peuple en est arrivé à cet état de servitude.
♦ La digression qui apparaît à travers les 6 questions impliquant l’auditoire dans le discours.
♦ La péroraison (conclusion du discours) dans laquelle La Boétie exhorte le peuple à se révolter comme le montre l‘impératif présent à valeur d’ordre au début du dernier paragraphe : « Soyez résolus à ne plus servir» .
B – La Boétie, un directeur de conscience
La Boétie se transforme donc en directeur de conscience qui cherche à sauver les âmes. Le rythme ternaire est omniprésent: « Pauvres gens misérables », « peuples insensés », « nations opiniâtres». Le texte prend en outre une dimension morale à travers le champ lexical du plaisir qui évolue vers la luxure : « mignarder », « délices », « vautrer », « sales plaisirs». Le tyran est coupable des péchés capitaux et La Boétie montre qu’en acceptant sa domination, le peuple s’éloigne des véritables valeurs morales. La Boétie veut donc montrer au peuple sa responsabilité dans cette servitude et faire germer en lui la volonté de reprendre en main son destin :« seulement de le vouloir».
Transition : C’est ainsi que le jeune écrivain pose les bases de sa philosophie politique, remettant en cause la monarchie absolue avec tact, puisque le monarque n’est jamais nommé, la seule référence semble renvoyer au tyran dans l’Antiquité.
III – La philosophie politique de La Boétie
A travers cette exhortation à la révolte populaire, La Boétie répond à une question de plus en plus posée à l’époque : quel est le meilleur gouvernement possible ?
A – La tyrannie, une monstruosité
La Boétie donne de la tyrannie une image monstrueuse. Le despote (synonyme de tyran) est comparé à Argus, le géant de la mythologie grecque aux cent yeux : « D’où tire t-il tous ces yeux qui vous épient, si ce n’est de vous ? ». La comparaison « tel un grand colosse dont on a brisé la base » rappelle le colosse aux pieds d’argile dans la Bible, (« Daniel ») dont l’invincibilité apparente cache une grande fragilité. Ces comparaisons mettent en valeur la monstruosité de la tyrannie qui vampirise son peuple, s’en nourrit en n’ayant pour seule fin que lui-même. L’omniprésence des propositions subordonnées exprimant le but souligne que les sujets ne sont que des moyens au service de la puissance du despote: « afin qu’il puisse assouvir sa luxure[…], pour qu’il en fasse des soldats […] , pour qu’il les mène à la guerre[…] ,afin qu’il puisse se mignarder dans ses délices […], afin qu’il soit plus fort ». Aveugle au bien commun, le tyran ne sert donc que son seul intérêt. Cette prise de conscience du peuple est essentielle à sa remise en question.
B – La théorie naissante du contrat social
A l’époque de la Boétie, le pouvoir politique venait de Dieu, de manière héréditaire, dans le cadre d’une monarchie absolue de droit divin. La Boétie sort de ce schéma en posant la question : « A-t-il pouvoir sur vous qui ne soit de vous-mêmes ? ». En valorisant un pouvoir qui serait issu du peuple (et non de Dieu), La Boétie anticipe les théories du contrat social qui seront développées par Hobbes (17ème siècle) et Rousseau (18ème siècle) selon lesquelles la société politique naît d'un contrat entre les hommes qui acceptent de renoncer à certaines libertés en échange d'une protection de l'Etat. La Boétie, dans ce texte, passe d'une conception pyramidale et hiérarchisée du pouvoir à une conception contractuelle (= le pouvoir envisagé comme un contrat entre le peuple et celui qui gouverne). S’il annonce le célèbre propos de Rousseau, « L’homme est né libre et partout il est dans les fers », il outrepasse le constat désabusé auquel s’arrêtera le philosophe des Lumières. S’interrogeant sur cette aberration qui conduit un être, né pour pousser plus avant la liberté dont les animaux jouissent naturellement, à se soumettre au joug du pouvoir, au point de mener une existence de bête de somme, il découvre la raison de l’infortune qui accable l’humanité depuis des siècles : le peuple a pris de mauvaises habitudes en obéissant aveuglément au tyran : « Ce qu’il a de plus, ce sont les moyens que vous lui fournissez pour vous détruire » (l.10). Finalement, le peuple est responsable de ce qui lui arrive.
Conclusion :
[Bilan]La Boétie écrit en 1547 un texte qui possède une valeur universelle. Il ne désigne pas un tyran en particulier, mais renvoie à tous les dirigeants qui seraient tentés d’abuser de leur pouvoir. Ne nommant personne, son texte a traversé les époques avec une étonnante modernité. Il pose, à 18 ans seulement, les fondements de la théorie du contrat social qui sera mise en place par des auteurs comme Hobbes au 17ème siècle et par Rousseau au 18ème siècle. Au XVIe siècle, ces mots de La Boétie posent les bases d’une question qui, depuis, n’a eu de cesse d’hanter le champ de la philosophie politique : pourquoi obéit-on ? [Ouverture] Mais le chemin est encore long : ce texte virulent, écrit en 1547, sera publié clandestinement en 1576 et oublié pendant plusieurs siècles avant d'être redécouvert au 19ème et 20ème siècle. Si La Boétie échappe à la censure, c'est parce qu'il se garde bien d'adresser une critique directe de la monarchie et ne renvoie à travers ses exemples qu'à la période antique. Le Discours de la servitude volontaire consiste pourtant en un véritable réquisitoire contre l'absolutisme, interrogeant les rapports de domination, la légitimité de l'autorité sur la population et l’acceptation de cette soumission.
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Résumé Œdipe à Colone
Après une longue errance sur les routes, Oedipe accompagné de sa fille Antigone, arrive à Colone, bourgade de la capitale d’Athènes. Son roi, Thésée, est le premier qui leur accorde enfin hospitalité et protection. Ce retour d'Oedipe dans la collectivité ne tient qu'à la noblesse de coeur de Thésée qui voit clair en Oedipe, au-delà de sa terrible réputation. Œdipe a traversé les pires des épreuves, il est maintenant un autre homme et s'attire dorénavant Ies bonnes grâces des dieux. « C'est lorsque je ne suis plus rien que je deviens un homme », explique-t-il à sa fille. Finalement, les dieux l'appellent pour quitter ce monde. À Thésée, digne de son amour, Œdipe lègue un secret qui garantira la prospérité de son royaume. Mais il ne faudra pas l'oublier pour que cette prospérité dure à jamais (culte des ancêtres).
Thierry Gaillard, « Sophocle psycho-chamane d’avant-garde », in Chamanisme, rapport aux ancêtres et intégration transgénérationnelle, Genesis editions, p.138.
Commentaire : Au début de la première pièce, Oedipe-roi, Sophocle décrit Ia situation qu'il a pu observer dans sa ville d'Athènes ; la peste stérilise toutes les sources de vie, chez l'homme, les animaux et dans le monde végétal. Et finalement, c'est la garantie de la prospérité qui termine la seconde pièce, Oedipe à Colone. Comprendre l'enseignement de Sophocle, c'est découvrir comment passer du pire au meilleur. Un enseignement qu'il s'agit de décrypter entre les lignes du texte car, bien sûr, ce genre de connaissances ne se transmettait pas comme on le fait aujourd'hui dans les universités sous une forme essentiellement intellectuelle.Comme c'est la tradition pour les initiations, Sophocle cache son enseignement. Non pas de manière arbitraire, mais parce que l'objet sur lequel porte son message réclame une certaine ouverture d'esprit ainsi que la capacité à dépasser les apparences pour découvrir des vérités inaccessibles au premier abord.
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