• Emissions France Culture sur Nathalie Sarraute (prise de notes)

    Fragments de vie (1ère émission)

    1900-1999: naissance et mort.

    -3 oeuvres majeures: Tropismes, Enfance, L'Ere du soupçon.

    Jean-Yves Tadié intervient dans cette émission. Montrer les silences et les faire entendre: voici un objectif de Sarraute, notamment dans son théâtre. Elle s'inscrit dans le Nouveau Roman (cf: L'Ere du soupçon). Elle a contribué à une reconstruction des formes du roman. Elle renouvelle notre vision du monde. Recherche du langage et de la poésie en prose. Elle explore de nouvelles formes littéraires totalement nouvelles. Ce n'est qu'à peine vers 40 ans qu'elle écrit de la littérature, avant, elle était avocate. Elle sera publiée vers 50 ans seulement! "La musicienne de nos silences", Tadié pour parler de Sarraute. Importance des points de suspension pour évoquer les silences.

    Sarraute est née à Ivanovo en Russie. Son père était un ingénieur chimiste. Dans certaines villes, les Juifs n'avaient pas le droit de séjourner. Ses parents se séparent lorsqu'elle a 2 ans. Elle est ballottée entre son père et sa belle-mère, sa mère et son beau-père. Elle se rappelle des odeurs de la Russie, notamment de Moscou. Quand elle a quitté sa mère, ce fut une terrible rupture. Elle a été brutalement séparée du pays où elle est née et de sa mère. Ses souvenirs d'enfance à partir de 8 ans sont devenus des souvenirs d'adulte, en raison de cet abandon par sa mère. Elle fait de brillantes études et est très douée. Elle n'est pas heureuse, elle a peu d'ami(e)s. Sa mère écrit beaucoup , notamment des romans d'aventure. C'était une personnalité flamboyante et assez narcissique. Mais c'est avec son père qu'elle a les liens les plus étroits.

    Elle part une année à Oxford en Angleterre. Mais elle doit rentrer en France, car les études sont trop chères. Elle fera ensuite des études de droit pour être avocate et rencontrera alors son mari (Raymond Sarraute, avocat aussi).

    Elle découvre Proust dans les années -20 ainsi que Joyce. Le travail est important pour elle, dans ses valeurs familiales, mais elle n'apprécie pas le droit. Elle n'aime pas le droit financier, commercial, ni les plaidoiries d'Assises. Forme d'éloquence un peu grossière pour elle. La maternité ne pouvait pas compenser le vide professionnel. Elle doit trouver autre chose et se tourne vers l'écriture littéraire.

    Tropismes est un petit livre (80 pages environ), son premier. Sarraute est juive et elle risque d'être arrêtée dans un camp. Elle ne portera pas l'étoile juive. Elle est dénoncée, elle doit s'enfuir. Division de la famille et donc caractère tragique. Mais elle s'en est sortie, si bien qu'elle considère qu'elle a eu de la chance. Elle n'écrira rien sur l'Histoire, sauf dans Enfance. Après la guerre, sa vie se confond avec son oeuvre. Sa vie est peu intéressante à raconter, il n'y a rien de flamboyant. Ce que Sarraute veut, c'est débattre avec les mots. "Je suis incapable de faire mon autobiographie", dit-elle. Pourtant, Enfance y ressemble. On peut dire qu'elle renouvelle le genre de l'autobiographie ou de l'autofiction, de la même façon qu'elle a révolutionné le roman. On peut parler d'une autobiographie de la parole, de souvenirs de mots qui jaillissent. L'usage de la parole (titre d'un ouvrage comprenant plusieurs nouvelles, 1980, composé de petites nouvelles) pourrait caractériser l'ensemble de son oeuvre. Elle veut écrire un roman du langage. Elle adore Tchekhov. Sartre parle de sous conversation dans l'une de ses préfaces, mais Sarraute en avait parlé avant( dans l'article: "Conversation et sous-conversation").

    La sous-conversation (définition) : les mots apparents ne sont rien, ce qui compte, c'est ce qu'il y a sous les mots. (cf: Proust et James).

     Les fruits d'or: C'est un roman du roman.  Cet ouvrage drôle parle d'un livre qui sombre dans l'oubli dont on ne connait pas le thème. Satire des milieux littéraires et du roman à succès. Réflexion sur les mots qu'on emploie pour parler du roman.

    A l'origine de l'écriture (2ème émission)

    Nathalie Sarraute est une écrivaine franco-russe, tiraillée entre son père vivant en Russie et sa mère en France, les deux ayant divorcé quand elle avait deux ans. Elle aimait Proust, Joyce et Virginia Woolf. Elle est née à Moscou en 1900. Son vrai nom est: Natalyia Tcherniak. Elle est issue d'une famille juive de la bourgeoisie moscovite. Elle appartient au courant littéraire du Nouveau Roman.

    Appelée "écrivaine de la sous-conversation" qu'on peut rapprocher du monologue intérieur.

    Sarraute craint d'écrire une autobiographie fausse, elle veut arracher des morceaux tirés de soi. Ces bribes, ces parcelles du monde sensible sont là. Construire quelque chose sur soi, c'est toujours un peu fabriqué. Elle refuse de raconter une histoire. Voilà ce qu'explique N.Sarraute. Ce qui la gêne, ce n'est pas d'exprimer des sensations personnelles, mais de raconter une histoire sur soi. Elle ne veut pas faire d'elle-même un personnage. Elle renouvelle donc le genre de l'autobiographie parce que ce sont des fragments. Elle a du mal à dire ce qu'elle était vraiment. Ce qui est le plus intime est aussi le plus impersonnel: c'est un paradoxe chez elle. Elle continue le travail de l'écriture des Tropismes. Le fond est commun, mais à chacun il est arrivé des aventures particulières. Chacun peut s'identifier à ce que chacun a vécu. L'acte littéraire permet d'exprimer des sensations restées informulées. Dire l'indicible.

    Il y a deux voix dans Enfance. Une des voix est celle de Natacha, la petite fille que Sarraute a été. Les paroles de sa mère ont eu une grande importance: la mère parle, elle écrit sous un nom d'homme, personnage très narcissique (elle est la beauté, elle est la Femme Belle). Elle a cette indifférence des grands narcissiques. Cette mère ne s'intéresse pas beaucoup à sa fille. Sarraute a souffert de l'indifférence maternelle qui a créé de la culpabilité. La petite fille parle d'idées obsessionnelles et il existe donc une névrose. Il existe une ambivalence entre la mère et la fille et les idées obsessionnelles vont disparaitre quand sa mère l'abandonne. Sarraute ira vivre avec son père. La belle-mère énonce ce fait en russe (question du bilinguisme dans le texte): "On t'a abandonnée." Violence de Véra, la belle-mère. L'écriture du tropisme consiste à détruire les mots qu'on reçoit, pour retrouver une forme de liberté. Elle n'est pas obligée d'être la victime qui a été abandonnée par sa mère. Les tropismes peuvent être considérés comme une forme de psychanalyse: elle se libère de ce qu'elle a vécu par les mots. Il existe une division du sujet dans la psychanalyse entre ce qu'on est et ce qu'on veut paraitre. Sarraute défend l'idée que nous sommes libres face à notre conscience. Elle n'aime pas les étiquettes, les clichés, les idées convenues ou les préjugés: vous faites cela parce que vous êtes une femme...Cette dernière joue des rôles. On lui impose une attitude à ce qu'elle ne ressent pas intérieurement. Si on ne lui avait pas inculqué ce qu'elle doit être, elle serait complètement différente.

    Pascale Fautrier commente l'oeuvre dans cette émission.

    Sarraute se voit comme une androgyne, refusant le clivage des genres. A partir de quels matériaux psychiques, elle est devenue écrivaine. Voilà ce qu'elle raconte dans Enfance. Elle rumine les formules de sa mère comme celle de bien mâcher: attachement très puissant à la mère. Il existe une ambivalence névrotique. Cela passe par une incorporation de la mère, moment où l'enfant et la mère ne sont pas différenciés.

    La beauté mortifère: admiration de la beauté de la mère, même si elle dit que la beauté de la poupée est plus belle (révolte). Peau soyeuse de la mère, sensualité de la peau. Rapport charnel à la mère. Impossibilité de s'arracher à cette mère.

    Déchirement: acceptation que le langage sépare et déchire. Conception tragique du langage chez Sarraute. Sarraute veut lutter contre le langage des clichés, celui de la beauté de la mère et  déchirer l'apparence du langage pour retrouver un amour maternel primaire, un fond commun d'avant le langage, de cet être qui n'avait pas encore été abandonné par la mère.

    Chaque écrivain porte en lui un monde à soi, selon Sarraute. Pour un oui ou pour un non  (pièce de théâtre de Sarraute): l'un est célibataire, l'autre ne l'est pas. On peut penser qu'il y a domination par l'argent. Peut-on s'extraire des rapports de la société qui nous entoure? Tout le drame du texte consiste à montrer que le rapport de domination s'inverse. On peut se libérer de ce que l'extérieur nous impose. On peut s'émanciper d'une identité extérieure: pauvre/riche, femme/homme...Dans le nouveau roman, on remet en cause la subjectivité. Dépersonnalisation, refus de l'identité (et surtout de l'assignation identitaire).

    En 1940, on lui explique qu'elle est juive. Elle est avocate et est rayée du barreau, parce qu'elle est juive. Elle va rencontrer Beckett qui est résistant. On lui assigne une identité qui fait qu'elle va peut-être en mourir. Elle est issue d'un milieu d'extrême gauche. Sa famille est convaincue de l'égalité entre hommes et femmes, entre riches et pauvres. Elle a intégré cette révolution anthropologique. En 1945, quand elle rencontre Sartre, elle est motivée pour écrire, car il l'encourage.

    Elle a eu des enfants, mais ne voyait pas sa vie tourner autour de ces enfants.Elle refuse le rôle de mère au foyer. Elle souhaite se battre pour la possibilité d'être. La question de savoir si Sarraute est féministe n'est pas forcément intéressante. Elle ne veut pas opposer un sexe à un autre. On doit inventer son propre chemin, chercher sa singularité. Sarraute n'aime pas les formes collectives de lutte. Il n'y a pas de discours militant chez elle. Elle refuse l'identité figée, fixe, imposée de l'extérieur. Elle était engagée à gauche et a toujours défendu l'égalité. Sarraute refusait l'idée du monologue intérieur, car elle refuse la construction du personnage. Beauvoir n'accepte pas son refus du monologue intérieur. Eloignement avec Sartre et Beauvoir progressif. Sartre n'aime pas la réflexion sur l'écriture, contrairement à Sarraute.

    Conversations avec Nathalie Sarraute (3ème émission)

    Rolande Causse a écrit un livre: Conversations avec Nathalie Sarraute. Elle est l'invitée de l'émission. "Je ne me vois pas beaucoup du dehors. Je n'arrive pas à jouer un personnage. Je n'ai jamais su jouer un rôle," dira Sarraute. Réalité intérieure: pas d'autres univers que ce chacun perçoit. Importance de la sincérité, de l'authenticité, recherche du vrai.

    Rolande Causse considère Sarraute comme sa mère spirituelle. Toutes les deux, elles parlent de la peinture. Sarraute considère les mots comme des personnes. Elle veut dire ce qui se cache derrière eux. Parler peinture, c'est être dans l'émotion d'un passé qu'elle avait eue avec son mari: Amsterdam, Londres...La peinture était une diversion par rapport à la littérature. Elles sont allées ensemble au musée du Louvre, un mardi, jour de fermeture. La peinture du XVIII ème siècle est importante, car il y a un vent de liberté à cette époque. Rousseau: "l'homme est né libre". On recherche la vérité, la sensation. Elle appréciait Paul Klee aussi, Picasso. 

    Beauté, esthétisme, lumière, ombres portées qui disent autre chose. Peinture cubiste: nouvelle construction //avec les tropismes. Retrouver une histoire. Importance de la sensation, de casser les lignes chez Cézanne comme chez Sarraute. Les maisons dansent. Nathalie voulait aller sous les mots, casser les mots, voir ce qu'il y avait avant qu'on les prononce et après. Les mots sont des sensations, des êtres vivants qui laissent des traces avant de venir et quand ils disparaissent. Ils ne peuvent pas tout dire cependant. Elle veut les ouvrir.

    Sarraute adorait son père. Puis, elle a connu Raymond Sarraute, il avait beaucoup lu. Ce dernier lui a communiqué l'amour de la littérature. Elle a eu un parcours d'écriture. Elle disait: "C'était mon meilleur lecteur."

    Enfance, c'est basé sur le fragment, le moment, les difficultés aussi ("Quelle douleur de ne pas avoir de mère!"), à travers des petites douleurs et des petits bonheurs.

    Cézanne n'ambitionne pas de représenter le réel, d'être au plus près de la réalité. C'est la peinture qui dicte sa voix, elle est un langage.  Il s'agit de parler de ce qui est en devenir chez Sarraute, de ce qui est caché derrière les mots comme Cézanne tente de décrypter ce qui se trouve derrière la réalité.

    Michèle Gazier intervient également: lien entre sa tante et Nathalie Sarraute. Elle est critique littéraire. Elle s'est sentie en confiance dans la parole et l'écriture. Sarraute a théorisé la sous-conversation. Elle aime la langue française, mais elle est l'une ou l'autre langue. Elle avait un regard qui pétillait et elle était drôle. Elle prenait du whisky-perrier. Sarraute était perfectionniste comme le personnage de son Planétarium. Mais elle était aussi bondissante. Elle a eu la tuberculose: moment difficile comme celui de la guerre.

    La peinture est vue comme un modèle. Donner à la langue quelque chose de vrai et de profond.

     


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