• Liberté, désobéissance civile, contre la tyrannie, article tiré de Philosophie Magazine, JOSHUA WONG

    Joshua Wong. Désobéissance civile à Hongkong

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    Juillet 2020
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    Joshua Wong, Hongkong, Liberté, Chine, Démocratie, Engagement

    « Mon avenir personnel n’a pas vraiment d’importance », nous confie Joshua Wong, alors que la chaîne de télévision officielle chinoise CCTV vient de le désigner comme principal responsable du mouvement de protestation qui secoue Hongkong depuis juin 2019. Il risque gros, car l’étau se resserre sur le territoire spécial. Mais à moins de 24 ans, ce jeune homme frêle à lunettes est presque un vétéran de la lutte pour la démocratie à Hongkong. Né neuf mois avant la rétrocession de la ville à la Chine, en 1997, il raconte, dans son autobiographie, La Parole enchaînée (Stock, 2020), coécrite avec le militant prodémocratie Jason Y. Ng, n’avoir jamais ressenti ni nostalgie pour une période coloniale qu’il n’a pas connue, ni attachement pour la nouvelle « mère patrie » responsable du massacre de Tian’anmen en 1989. Enfant dyslexique élevé dans un milieu chrétien et anticommuniste, il compense ses difficultés d’écriture par son talent oratoire. À 14 ans, le collégien s’élève contre l’introduction de nouveaux programmes scolaires comprenant une « éducation morale et nationale ». Il fonde le groupe d’activistes Scholarism et initie un vaste mouvement de protestation. À l’automne 2014, il s’inscrit dans le processus de désobéissance civile contre un projet de réforme électorale favorable aux candidats pro-Pékin. Le mouvement devient la « Révolution des parapluies ». À 17 ans, Joshua Wong en est l’un des visages – le mot « leader » est proscrit dans ce milieu ultra-démocratique. Cet épisode marque une étape dans la vie politique de Hongkong. Avec ses complices, Joshua Wong crée le « mouvement politique de la jeunesse » Demosisto (du grec demos, « peuple », et sisto, « se tenir debout »). Mais le pouvoir l’a dans le collimateur. Tout comme d’autres membres du mouvement, il est emprisonné plusieurs semaines pour « rassemblement illégal ».

    C’est tout naturellement qu’il trouve sa place dans un mouvement plus puissant encore : jusqu’à 2 millions de personnes se mobilisent contre un projet de loi prévoyant l’extradition (=Procédure permettant à un État de se faire livrer un individu poursuivi ou condamné et qui se trouve sur le territoire d'un autre État.) vers la Chine continentale de détenus hongkongais. Cette nouvelle offensive de Pékin ne fait que confirmer ce que Joshua Wong a compris depuis son adolescence : Pékin refuse l’autonomie de Hongkong et fera tout pour la supprimer. Le gouvernement chinois veut désormais tuer la contestation en votant fin mai la « loi de sécurité nationale », qui lui donne les mains libres pour réprimer le mouvement.

    Quelques jours avant ce vote, Joshua Wong et Jason Y. Ng ont répondu à nos questions. Selon ce dernier, l’épidémie de Covid-19 a eu des effets sur la relation entre le pouvoir chinois et Hongkong. « L’épidémie a gravement nui à la réputation de la Chine sur la scène mondiale », notamment à cause des mensonges des autorités au début de la crise. Tout occupé à « tenter désespérément de limiter les dégâts avec la prétendue “diplomatie du masque” », le Parti communiste chinois « perd patience » face à l’agitation à Hongkong. Résultat ? « Une emprise qui se resserre », avec notamment des arrestations durant le confinement de plusieurs célèbres militants prodémocratie. Le gouvernement en profite aussi, précise Jason Y. Ng, pour interdire tout rassemblement de plus de 4, puis de 8 personnes – comme, par exemple, la traditionnelle veillée aux chandelles du 4 juin, qui commémore le massacre de la place Tian’anmen.

    Au cours du confinement, Joshua Wong s’est adonné à Animal Crossing, jeu vidéo au succès planétaire sorti le 20 mars dernier, qui permet d’aménager une île imaginaire. Comme les Hongkongais n’ont pas le droit de manifester physiquement, ils transforment ce monde virtuel en espace public. Ils habillent leur avatar en noir (la tenue des militants), agitent des banderoles, jettent aux ordures des portraits de dirigeants, dont Xi Jinping. Mi-avril, le pouvoir chinois retire le jeu de la vente. Et il garde rancune à Joshua Wong qui, en s’affichant console à la main, le ridiculise. Aujourd’hui, le ton est plus grave, car les manifestations prodémocratie ont repris dès le 10 mai malgré leur interdiction. Si la réaction policière est plus brutale qu’auparavant, dit Joshua Wong, c’est le signe « que les gouvernements de Pékin et de Hongkong ne toléreront plus aucune forme de dissidence politique ». Le combat promet d’être rude, tant ce jeune homme, et avec lui des centaines de milliers d’autres Hongkongais, est déterminé à être libre – c’est-à-dire à « être libéré de la peur et de l’intimidation ».

    Rédacteur en chef de Philosophie Magazine, agrégé et docteur en philosophie, il est spécialisé en phénoménologie et en philosophie russe. Il a notamment publié Dostoïevski. Le roman du corps (Jérôme Millon, 2013), Dans la Tête de Vladimir Poutine (Solin/Actes Sud, 2015), Les nouveaux Dissidents (Stock, 2016) ou encore Dans la tête de Marine Le Pen (Actes Sud, 2017)


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