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Présentation d'Ishiguro, Les Vestiges du jour (oeuvre conseillée pour le thème DANS MA MAISON)
Présentation d'Ishiguro, Les Vestiges du jour
Biographie de Kazuo Ishiguro
Kazuo Ishiguro, né à Nagasaki, est arrivé en Grande-Bretagne à l'âge de cinq ans. Décrit par le New York Times comme "un génie original et remarquable", il est l'auteur de sept romans : Lumière pâle sur les collines, Un artiste du monde flottant (Whitbread Award 1986), Les Vestiges du jour (Booker Prize 1989), L'Inconsolé, Quand nous étions orphelins, Auprès de moi toujours et Le Géant enfoui. Ses livres sont traduits dans plus de quarante langues. En 1995, Kazuo Ishiguro a été décoré de l’ordre de l’Empire britannique pour services rendus à la littérature et en 1998, la France l'a fait chevalier des Arts et Lettres. Il vit à Londres avec son épouse et leur fille. Les Vestiges du jour a été adapté au cinéma avec Emma Thompson et Anthony Hopkins.
Les Vestiges du jour, présenté par Ishiguro (discours de son obtention du prix Nobel)
« Le personnage principal du roman que je venais de terminer était un majordome anglais qui se rend compte trop tard qu’il s’est trompé de valeurs morales pendant toute sa vie; et qu’il a consacré ses meilleures années à servir un sympathisant nazi; qu’en évitant d’assumer une responsabilité morale et politique dans son existence, il a gâché cette vie au sens le plus profond du terme. Plus encore: dans son désir de devenir le domestique parfait, il s’est interdit d’aimer la seule femme qui lui tient à cœur, et d’être aimé par elle. »
Ishiguro commente son livre et tente de mettre des mots sur le stoïcisme de son personnage, Stevens, ce stoïcisme qui le pousse à se cacher ses véritables émotions à lui-même :
« Je me trouvais donc un soir dans notre maison, ainsi que je l’ai dit, allongé sur le canapé, en train d’écouter Tom Waits. Et Tom Waits entonna une chanson intitulée “Ruby’s arms”. Peut-être que certains d’entre vous la connaissent. (J’ai même envisagé de vous la chanter maintenant, mais j’ai changé d’avis.) C’est une ballade sur un homme, sans doute un soldat, qui part en laissant son amante endormie. C’est le petit matin, il descend la rue, prend un train. Rien d’anormal. Mais la voix qui interprète la chanson est celle d’un clochard américain bourru fort peu habitué à révéler ce qu’il ressent au fond de lui. Puis vient un moment, au milieu de la chanson, où l’homme nous dit qu’il a le cœur brisé. L’émotion de cet instant est presque insupportable, à cause de la tension entre le sentiment lui-même et l’énorme résistance que le soldat doit visiblement surmonter pour l’exprimer. Tom Waits chante le vers avec une magnificence cathartique, alors que sous le poids d’une tristesse extrême, s’écroule le stoïcisme de toute une vie de dur à cuire.
En écoutant Tom Waits, je compris que ma tâche n’était pas terminée. Quelque temps auparavant, j’avais décidé sans réfléchir que mon majordome anglais conserverait ses défenses émotionnelles, qu’il parviendrait, grâce à ce bouclier, à se cacher de lui-même et de son lecteur jusqu’au bout. Je comprenais à présent que je devais revenir sur cette décision. Juste un moment, vers la fin de mon livre, un moment que je devrais choisir avec soin, je devrais percer son armure. Faire entrevoir un désir immense et tragique. »
Citation des Vestiges du jour (the remains of the day -en anglais-), renvoyant au thème « Dans ma maison »
Commentaire : La maison renvoie à la familiarité des lieux, à ce que le majordome, Stevens, connait, à son métier qu'il considère avec le plus grand sérieux.
« Pendant environ 20 minutes de route, je n'éprouvai à ce qu'il me semble aucune excitation, ni le sentiment joyeux de l'attente. A vrai dire, cela s'explique, puisque malgré mon éloignement croissant de la maison, j'étais toujours dans une région qui m'était au moins vaguement familière. Je croyais n'avoir que très peu voyagé, limité par mes responsabilités vis-à-vis de la maison ; mais il est vrai qu'au fil du temps, on est appelé à faire différents déplacements pour tel ou tel motif professionnel, et il semblerait que ma connaissance du voisinage était bien supérieure à ce que j'avais supposé. En effet, comme je viens de le dire, à mesure que je roulais par un temps ensoleillé vers la frontière du Berkshire, je ne cessais d'être surpris par l'aspect familier des contrées que je traversais. »
Musique du film "Les vestiges du jour" par Richard Robbins
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