• Commentaire du professeur:  Quelques fautes de syntaxe et d'orthographe demeurent. Les exemples sont pertinents et bien expliqués. Par contre, il aurait fallu davantage commencer la citation dans le corps du devoir, au fur et à mesure.

     

    N.B: la copie a été corrigée après sa rédaction, notamment sur la syntaxe et l'orthographe.

     


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  • Eric-Emmanuel Schmitt : « Le trajet effectué avec la seule raison ne mène nulle part »

    « Les mots sont inventés pour décrire le visible, pas l'invisible », observe Éric-Emmanuel Schmitt. C'est néanmoins avec justesse et émotion que l'écrivain évoque dans La Nuit de feu une « confrontation avec l'Absolu » qui a transformé sa vie et l'a délivré de l'angoisse. (Le Monde des Religions n° 73, septembre-octobre 2015)

     

    C'était le 4 février 1989. Au cours d'une randonnée dans le désert du Hoggar, Éric-Emmanuel Schmitt se perd, seul. Mais alors que, dans la nuit étoilée, il croit sa dernière heure venue, le jeune homme vit une expérience éblouissante. Une expérience mystique d'une fulgurance telle que l'événement est pour lui une seconde naissance. S'il avait déjà fait allusion à cet épisode, Éric-Emmanuel Schmitt consacre pour la première fois un livre, intime et touchant, à sa « Nuit de feu ». Cette nuit-là qui lui a donné foi et confiance dans la vie, tout en restant conscient des enjeux de notre temps.

    Pourquoi avoir attendu si longtemps pour consacrer un livre à cette nuit mystique ?

    Parce que j'en étais incapable ! Il fallait d'abord que cette source de foi rencontrée dans le désert devienne un fleuve. Que cette foi à laquelle je n'étais pas préparé trouve sa place en moi, s'empare de moi. C'est avec les années que cette révélation dans le désert s'est confirmée. En sortant du Sahara, je conservais le pouvoir de nier, d'interpréter différemment cette expérience. Ayant reçu une formation d'intellectuel athée, élève de Derrida, étudiant à Normale sup, je ne me reconnaissais pas dans cette nuit ; il m'aurait été plus simple de reprendre ma vie de rationaliste. Irrésistiblement pourtant, ce petit filet d'eau est devenu un fleuve, qui non seulement m'habite, mais, peut-être, me constitue. Un jour, j'ai compris que je devais témoigner. Mais je n'en vis longtemps que les difficultés : les mots se montrent inadéquats, inventés pour décrire le visible, pas l'invisible. Ce livre attendait ma maturité. Puisque le langage évoquant une nuit mystique ne peut être que métaphorique, je voulais affermir ma plume afin que la métaphore sonne juste.

    Votre récit donne l'impression que vous vous êtes volontairement perdu, comme si vous pressentiez un rendez-vous avec le destin.

    Je ne saurais mesurer la part de hasard, de volonté ou de destin... Peut-être avais-je en effet, au fond de moi, le pressentiment d'un rendez-vous ? Aujourd'hui, c'est la lecture que j'en fais : j'ai cherché à me perdre. Tout mon livre ne raconte que ça. N'importe quel récit mystique offre d'abord un récit de la perte. Il fallait, pour ma part, que je perde mon identité d'Occidental, d'intellectuel. Enfin, qu'il s'agisse de hasard, de volonté ou de destin, ce qui compte, à mes yeux, c'est de toujours garder en tête ces trois possibilités. J'ai écrit avec le souci de rester interrogatif. Je crois que ce que nous avons tous en commun, ce sont ces questions. Ce qu'on appelle l'humanité, c'est le partage des mêmes questions, voire le partage de l'ignorance. Et ce qui nous singularise, ce qui nous différencie ou nous oppose, ce sont les réponses. Il importe de toujours se remettre au niveau des questions. Là est la fraternité humaine, là est l'humanisme.

    Vous dites que les mots ne peuvent décrire ce que vous avez vécu. Néanmoins, comment qualifieriez-vous cette expérience ?

    Il y a plusieurs moments. Je décris une extase, le fait de passer au-dessus de soi, ce sentiment physique de quitter non seulement son corps, mais aussi la terre, d'arriver en apesanteur... À cette extase succède un deuxième moment où je sens une altérité qui m'environne, qui m'englobe, qui veut m'absorber : on pourrait appeler cela une confrontation avec l'Absolu. Ensuite, c'est la fusion, l'absorption totale dans l'Absolu. Puis je reviens. Mais, encore une fois, ce vocabulaire me paraît approximatif, puisque nous ne détenons pas les mots pour raconter cela. J'ai fait l'épreuve d'une transcendance qui était autant un phénomène extérieur qu'intérieur. Aujourd'hui, j'ai l'impression de pouvoir retrouver cet absolu au fond de moi par la méditation, la concentration ou la prière.

    Vous affirmez avoir compris, après cette nuit, que tout a un sens.

    Oui, c'est le message qui m'a été délivré. Je percevais soudain que, lorsque je ne comprends pas, c'est ma faute. Que le manque de sens réside dans mon esprit, non dans le monde. Je suis passé d'une philosophie de l'absurde à une philosophie du mystère : l'absurde est l'absence de sens ; le mystère la promesse de sens. Maintenant, quand je ne saisis pas quelque chose, j'accuse les limites de mon cerveau. J'accepte de ne pas comprendre, et je fais crédit lorsque je ne comprends pas. Voilà une définition de la foi ! Se tapit, dans la philosophie du XXe siècle, un orgueil démesuré, puisque l'homme s'y estime le seul créateur de sens, ou, comme disait Heidegger, « le gardien du sens ». Depuis ma révélation, j'habite différemment l'ignorance. Je l'habite non plus avec angoisse et arrogance, mais avec humilité et confiance. Ma foi m'offre d'appréhender le monde avec confiance.

    De nombreuses personnes rêvent de vivre une telle expérience. Or, c'est arrivé à vous, qui ne demandiez rien...

    Je n'étais pas du tout indifférent à la problématique de la foi - j'ai soutenu ma thèse sur Diderot et la métaphysique. J'avais travaillé ces questions, mais je croyais détenir la réponse : j'étais athée et je traversais la condition humaine avec angoisse. Je pensais demeurer ainsi jusqu'à la fin de mes jours. Cependant, cet athéisme avait été fortement interrogé à la lecture d'auteurs comme Descartes, Kant ou Spinoza, qui affirment avoir la foi. Ils m'intriguaient et m'imposaient le respect pour ceux qui croient. Ayant examiné rationnellement les choses, je m'étais dit que je ne pourrai pas répondre à la question de l'existence de Dieu avec la raison pure. J'étais alors devenu agnostique. Je pense d'ailleurs qu'un philosophe est forcément agnostique. De même qu'il existe des arguments non décisifs en faveur de Dieu, de même les arguments en sa défaveur ne s'avèrent guère plus décisifs. J'étais ainsi passé d'un athéisme familial à un agnosticisme réfléchi... que je n'ai d'ailleurs pas quitté. Aujourd'hui, je suis un « agnostique croyant ». Dans mon récit, je montre que le trajet qu'on effectue avec la seule raison ne mène nulle part. Lorsqu'on me demande si Dieu existe, je réponds : « je ne sais pas mais je crois que oui ». Mon ami André Comte-Sponville dira « je ne sais pas, je crois que non ». Une troisième position serait celle de l'indifférence : « Je ne sais pas et je m'en fous » - ce qui est aussi honnête ! L'imposture commence quand des gens disent qu'ils savent : voilà les intégristes - qu'ils soient athées ou religieux.

    En quoi cette expérience mystique a-t-elle changé votre vision de la mort ?

    Ce qui a changé, c'est que je n'y pense plus. Avant, j'étais obsédé de façon narcissique par ma fin ; obsédé de façon amoureuse par la disparition des autres. Ces coups de poignard m'ont été enlevés. Je ne sais rien de la mort. La pire chose qui puisse arriver à la question : « Qu'est-ce que la mort ? », c'est une réponse. La mort constituera éventuellement une bonne surprise, à laquelle, cependant, je ne veux pas songer. Je me laisse porter par la vie, je me laisserai porter par la mort.

    Pensez-vous retourner un jour dans le désert ?

    (Silence) En fait, j'aimerais mourir dans le désert. Parce que c'est là que ne suis né une deuxième fois. Aucune tristesse : je rendrai à l'infini la petite part de fini que j'ai été. Je rejoindrai l'immense...

    Que reste-t-il en vous de cette béatitude connue dans le désert ?

    La capacité de m'émerveiller (silence). Dans Oscar et la dame rose, c'est ce que je fais dire à mon héros : « Vivre tous les jours comme si c'était la première fois », contrairement à ce qu'énonce Tolstoï : « Vivre tous les jours comme si c'était la dernière fois ». Il faut lutter contre la lassitude de vivre, l'illusion de savoir, de déjà vu. Il faut vivre chaque instant comme une aube... C'est cela, avoir la lumière en soi. J'appelle parfois cette attitude cultiver l'esprit d'enfance, parce qu'il me semble que les enfants ont ces capacités : celle de s'étonner - première vertu philosophique selon Platon -, de s'émerveiller, d'accueillir le monde, l'humilité de penser qu'ils sont entourés de mystère. L'enfant sait qu'il ne sait pas - autre vertu philosophique selon Socrate. Ces qualités que l'on perd progressivement, c'est comme si cette nuit les avait réactivées. Avant, j'avais le corps qui partait d'un côté, la tête qui partait d'un autre, le coeur qui partait ailleurs... J'étais totalement disparate. Cette nuit au désert m'a harmonisé.

    Sur un tout autre sujet, en 2008, vous avez consacré un livre, Ulysse from Bagdad, au sort de ces clandestins qui tentent de reconstruire leur vie ailleurs. Quel regard portez-vous sur la crise actuelle des migrants ?

    Je suis scandalisé. Scandalisé par notre inhumanité. Qui sont les migrants ? Ce sont des êtres qui demandent une place sur Terre pour vivre et travailler, et on la leur mégote sous prétexte que nous étions là avant ! On crée une humanité à deux étages : ceux qui ont le droit d'être là, ceux qui n'en ont pas le droit. Pour moi, cette distinction relève de la barbarie. Le barbare est celui qui croit qu'il existe des êtres inférieurs. Cela dit, je reconnais que je ne détiens pas la solution. Mon regard sur cette question reste celui d'un humain qui voit un autre humain ; je refuse catégoriquement de me penser supérieur, d'agir en supérieur. Ce qui m'atterre, c'est de repérer des politiques articulées sur cette haine de celui qui ne doit pas être là. Mais qui est plus légitime qu'un autre sur Terre ? Cette conception d'une humanité à deux vitesses exprime la barbarie. Et la barbarie parle fort. La barbarie a des partis organisés. La barbarie fédère.

    L'écriture, pour vous, est-elle une manière de vous mettre à l'abri du fracas du monde ?

    Non. C'est une manière de trouver une boussole pour marcher dans ce monde fracassé. Lorsque j'entame la rédaction d'un livre, j'ignore comment les idées vont s'articuler. Je n'écris pas pour dire ce que je pense, j'écris pour découvrir ce que je pense. La plume va me le permettre en m'offrant des subtilités, des méandres que je n'aurais pas soupçonnés sans elle. Le stylo m'offre une lumière qui me permet de voir ce qui se passe dans mon esprit ou dans le monde. Écrire ne consiste pas à se retirer du monde, mais plutôt à s'en écarter un instant pour y ré-intervenir en proposant une autre lecture du monde. Je me vois comme un écrivain engagé. Cependant, il faut d'abord s'abstraire du monde pour devenir un écrivain engagé.

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    Éric-Emmanuel Schmitt Romancier et dramaturge franco-belge. Sont récemment parus : Madame Pylinska et le secret de Chopin (Le Livre de Poche, 2020), Journal d'un amour perdu (Albin Michel, 2019), Félix et la source invisible (Albin Michel, 2019), La Nuit de feu (Le Livre de Poche, 2017).

     


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  • CONFINEMENT

    Ce que la solitude peut nous apprendre

    « Quand on veut être seul, c'est parce qu'on sait qu'on ne l'est pas vraiment », observe Olivier Remaud. En cette période de confinement et de crise sanitaire, qu'allons-nous trouver dans la solitude ? Quel genre de citoyen est le solitaire ? Le philosophe analyse pour nous les ressorts de l'esprit de solitude. 

    L'artiste Abraham Poincheval s'est enfermé pendant treize jours, en   2014,  dans un ours empaillé au musée de la Chasse et de la Nature de   Paris. Il  souhaitait entrer en conversation avec l'esprit de cet   animal.

    L'artiste Abraham Poincheval s'est enfermé pendant treize jours, en 2014, dans un ours empaillé au musée de la Chasse et de la Nature de Paris. Il souhaitait entrer en conversation avec l'esprit de cet animal.

     

     

    Comment expliquer l'actuel regain d'intérêt pour les pratiques de retrait du monde?

    Ces pratiques concernent autant des non-croyants que des croyants. Le retrait du monde a dépassé le clivage entre le profane et le sacré. L'intérêt pour les cabanes au fond des bois ou les monastères vient de ce que l'agitation n'y est pas valorisée. Ce sont des bulles méditatives qui permettent d'assumer le plaisir de s'évader tout en ayant la certitude que ces pas de côté sont des épisodes dont on revient. On sait qu'on dispose encore de cette liberté-là.

     

    Quels sont les grands courants de pensée qui se sont fondés sur ce retrait de la société ?

    De Diogène le Cynique au chamanisme des régions circumpolaires, la solitude volontaire a une double vertu. Elle agrandit le périmètre de l'âme en réinsérant l'individu dans un univers plus vaste que son ego. Elle l'autorise par ailleurs à dénoncer les anomalies éventuelles de la vie en collectivité. Les ermites eux-mêmes ne restent pas muets au fond de leurs grottes. Dans la tradition politique américaine, ils s'expriment haut et fort. Toutes ces figures liminaires commentent la société.

     

    Il y a donc un geste politique, citoyen, dans le retrait du monde ?

    Le but du retrait du monde est à la fois personnel et politique. C'est pourquoi le retrait est souvent un besoin éphémère, parfois recommencé, mais plus rarement une condition définitive. Dans la majorité des cas, il correspond à une phase de redéfinition du rapport à soi, au corps social, aux milieux naturels, etc. On prend le temps de réexaminer ses actes et ses convictions. Puis on envisage des manières nouvelles de s'engager dans la vie commune.

     

    La solitude est une excellente chose, si elle ne dure pas.

     

    Qu'est-ce qu'on cherche et qu'est-ce qu'on fuit dans l'expérience de la solitude volontaire ?

    On fuit un malheur professionnel, amoureux, familial, ou l'on recherche simplement un autre style d'existence. Quel que soit le cas, je tiens à l'adjectif « volontaire ». Il signifie que la solitude est liée à une quête. Elle inaugure un voyage réel ou imaginaire. Dans le film de Sean Penn Into the Wild, Christopher McCandless avait prévu, au bout de son escapade vers l'Alaska, de revenir, de trouver un emploi et de fonder une famille. Il avait imaginé une expérience sauvage dont l'issue devait être conventionnelle. Il voulait d'abord vivre à plein régime les imprévus de l'aventure.

     

    Quels sont les lieux qui symbolisent le retrait du monde ?

    Je pense aux navigations en solitaire ou aux gompas [temples bouddhistes fortifiés, ndlr] tibétains bâtis à flanc de rochers. Le terme de « solitude » a longtemps connoté des endroits supposés sans vie. Il a pris assez récemment un sens subjectif. C'est ainsi que le retrait du monde a été associé aux lieux qui exaltent le sentiment de solitude, dont la mer et la montagne. Les grands espaces permettent à l'œil humain de regarder au loin. Une telle profondeur lui redonne une qualité animale.

     

    La solitude est-elle le contraire de la société ?

    Dans la solitude volontaire, on joue autant avec la solitude qu'avec la société. Le problème est qu'il semble plus facile de jouer avec la première qu'avec la seconde. De Montaigne au moine américain Thomas Merton, une même prudence s'exprime néanmoins : la solitude est une excellente chose, si elle ne dure pas. Même lorsqu'elle est choisie, elle s'avère difficile à supporter au long cours. Aussi les solitaires ont-ils l'habitude de se regrouper. Ils savent que désir de solitude et désir de société ne s'opposent pas.

     

    Ce qui compte, est-il alors rapporté, c'est l'intensité de la vie dite «intérieure» et la résonance avec le monde lui-même dit «extérieur».

     

    De quelle manière le contact avec la nature permet-il, comme vous le dites dans votre livre*, de « faire du solitaire un solidaire » ?

    Au milieu du XIXe siècle, l'écrivain américain Henry David Thoreau nous rappelle que la nature offre un point d'ancrage et un point de vue. Point d'ancrage car l'observation des haricots qui poussent et l'écoute du chant des oiseaux procurent au philosophe le sentiment de faire partie d'un ensemble de relations vivantes. Point de vue car il quitte « presque chaque jour » sa cabane de l'étang de Walden pour rejoindre le village de Concord et prendre des nouvelles de ses amis auxquels il demande alors de se soucier de justice. Le solitaire se rend solidaire avec la vie foisonnante de la flore et de la faune comme avec celle de ses semblables. N'oublions pas que le pas de côté de Thoreau dans la forêt aiguise sa sensibilité de naturaliste et lui fournit l'occasion de préciser sa critique d'un gouvernement qui cautionnait l'esclavage.

     

    Celui qui vit retiré du monde est-il un misanthrope ?

    Ce terme n'a pas toujours été interprété de la même manière. Jean-Jacques Rousseau proposait d'appeler « homme de bien » celui que la société nomme « misanthrope ». Il laissait entendre que le misanthrope se sent prisonnier comme dans une toile d'araignée, mais qu'il n'en aime pas moins le genre humain. Si les incessantes rivalités et les petites tragédies quotidiennes des orgueils l'étouffent, il ne devient pas un ennemi de l'humanité. Le poète John Donne écrit donc avec justesse qu'« aucun homme n'est une île ».

     

    Vous évoquez la longue tradition de l'ermitage dans les religions ; en quoi le retrait du monde ouvre-t-il l'être humain à la spiritualité ?

    Le retrait du monde n'est pas une condition de la spiritualité. Il n'est pas non plus spécifique aux croyants. D'une part, bien des récits confirment que les expériences spirituelles peuvent être vécues dans des endroits non isolés, sans qu'il soit nécessaire de rompre, même temporairement, avec la société. D'autre part, le retrait du monde est de plus en plus pratiqué par des non-croyants. Ce qui compte, est-il alors rapporté, c'est l'intensité de la vie dite « intérieure » et la résonance avec le monde lui-même dit « extérieur ».

     

    La généralisation des technologies fabrique des régimes de plus en plus mixtes de solitude volontaire.

     

    Vous parliez de la difficulté à laquelle on peut faire face dans ces expériences de solitude volontaire et affirmez que «la solitude intérieure est une véritable épreuve». Pourquoi ?

    Elle semble une épreuve aux yeux de beaucoup parce qu'y sont associés le silence et l'absence d'autrui. Mais le fond de l'affaire est celui-ci : qui éprouve la solitude intérieure s'ensauvage. Il se dépersonnalise en abandonnant sa première peau. Cette mue est un changement de masque, un voyage dont il ne connaît pas avec exactitude le point d'arrivée.

     

    Pour parer à cette épreuve, comment préparer une expérience de retrait du monde?

    Les retraits du monde s'organisent comme les voyages d'exploration. Richard Byrd en Antarctique ou Peter Matthiessen au Népal nous font comprendre que plus on calcule au millimètre une expédition et plus on augmente les chances de bien répondre à l'imprévu qui ne cesse d'arriver. Les expéditions qui réussissent sont celles qui ont été très préparées en amont. Ajuster ses réactions à ce qui survient, anticiper sans jamais miser sur l'excès, cela s'applique autant au corps qu'à l'esprit.

     

    Est-il vraiment possible d'être seul, retiré du monde ?

    Dans La Longue route, le navigateur Bernard Moitessier raconte son désir de « vivre avec la mer, vivre avec les oiseaux, vivre avec le présent ». Le suivi technique et psychologique des courses est aujourd'hui très développé. Mais celles et ceux qui naviguent en solitaire recherchent encore cette « trêve avec le monde » pour causer avec les nuages de leurs fatigues et de leurs rêves. L'artiste Abraham Poincheval, lui, s'est enfermé pendant treize jours en 2014 dans un ours empaillé au musée de la Chasse et de la Nature de Paris. Il souhaitait entrer en conversation avec l'esprit de cet animal. Au Palais de Tokyo, l'an dernier, il est resté immobile une semaine dans l'espace clos d'un rocher creux. Disons donc que la généralisation des technologies fabrique des régimes de plus en plus mixtes de solitude volontaire. Connexion et déconnexion deviennent des expériences intensément complémentaires qui se vivent en alternance.

     

    On ne désire pas la solitude qui s'impose. Quand on veut être seul, c'est parce qu'on sait qu'on ne l'est pas vraiment.

     

    Quelles sont les grandes figures artistiques ou philosophiques évoquant le retrait du monde qui vous semblent les plus intéressantes ?

    On ne désire pas la solitude qui s'impose. Quand on veut être seul, c'est parce qu'on sait qu'on ne l'est pas vraiment. Thoreau a deviné que la solitude volontaire est un usage du monde. D'un côté, il annonce qu'il s'en va. De l'autre, il ajoute qu'il revient. Résultat : il devient « citoyen des bois » et s'emploie à rendre la société plus juste. Il a compris que la solitude volontaire rimait rarement avec le voeu de disparition.

     

    Comment abordez-vous la thématique de la solitude volontaire dans les enseignements que vous dirigez à l'EHESS ?

    Ce livre est le fruit de plusieurs années d'enseignements qui prolongeaient des recherches sur l'exil. Dans l'exil, la solitude subie est une donnée fréquente, quand bien même on est plusieurs à le vivre. Je me suis alors demandé si de cette solitude-là pouvait naître quelque chose de positif. De fil en aiguille, et en considérant aujourd'hui d'autres expériences dans le cadre de ma chaire sur les cosmopolitismes, il m'apparaît que bien des solitaires sont des « citoyens du monde » qui cherchent à voir ce qu'ils ne voient pas d'ordinaire et qui s'efforcent d'élargir leurs perceptions de la vie aux milieux tant humains que non humains.

     

    Olivier Remaud est philosophe et directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Il a publié Un monde étrange. Pour une autre approche du cosmo-politisme (PUF, 2015) et *Solitude volontaire (Albin Michel, 2017).


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  • Michaël Fœssel : “Les politiques ont la tentation de faire de la crise un champ d’expérimentation autoritaire”

    Macron et militaires © Mathieu Cugnot/AP/SIPA

    Le 25 mars 2020, le président français Emmanuel Macron (au centre) se rend dans l'hôpital militaire de campagne bâti près de Mulhouse. © Mathieu Cugnot/AP/SIPA

    Avant de spéculer sur le monde d’après et la sagesse qui sera la nôtre après cette crise majeure… regardons avec quelle aisance et quelle satisfaction les leaders des démocraties se voient eux-mêmes en chefs de guerre et manifestent leur goût du contrôle des populations, prévient le philosophe Michaël Fœssel.

    MICHAËL FŒSSEL

    Philosophe et professeur à l’École polytechnique, il est l’auteur de plusieurs livres dont les titres résonnent profondément avec l’actualité, comme La Privation de l’intime  (Seuil, 2008), Après la fin du monde. Critique de la raison apocalyptique  (Seuil, 2013) ou encore Le Temps de la consolation  (Seuil, 2015). Son dernier essai Récidive. 1938  (PUF, 2019) propose une plongée dans les articles des journaux de l’année 1938 et s’interroge sur la cécité devant la montée des périls.

    Vous avez écrit un essai intitulé Après la fin du monde. Critique de la raison apocalyptique . Sommes-nous aujourd’hui devant un monde suspendu, un monde abîmé, un monde qui se métamorphose ?

    Michaël Fœssel : Aujourd’hui comme à l’époque où j’écrivais cet essai, il me semble que la notion de monde n’est pas liée à la question de la vie. Je considère que le monde, c’est d’abord et avant tout un horizon social et perceptif, une certaine manière d’organiser le temps, de le scander. J’appelle monde l’ordre ordinaire collectif de nos vies, l’horizon de nouveauté qui l’entoure et non leur simple conservation biologique. C’est pourquoi notre monde est – je l’espère, momentanément – annulé par le confinement. D’autre part, il y a monde quand on peut se projeter dans l’avenir de manière relativement assurée. Et là, on voit bien que, même au niveau gouvernemental, les décideurs ne savent pas, ne peuvent pas nous dire combien de temps cette crise va durer. Chacun est obligé de refaire monde au niveau de son domicile – je parle bien sûr de ceux qui sont confinés –, et ce n’est pas facile, peut-être même est-ce impossible, en ce sens où le monde suppose un rapport à l’altérité. Tout le paradoxe actuel, c’est qu’on nous demande d’être solidaires depuis nos solitudes.

     

    Pensez-vous que nous allons revenir au monde d’avant, ou qu’il y aura une reconfiguration ?

    Comme lors de chaque crise majeure, certains s’empressent de déclarer que rien ne sera plus jamais comme avant, que nous sommes déjà entrés dans le monde d’après. Je me méfie de ces discours. Bien sûr, nous ne retrouverons pas la situation précédente à l’identique. Mais tout dépend des changements qui vont se produire. Si ce que l’on remet en cause, ce sont les idéologies managériales, les conceptions productivistes et anti-écologiques qui d’une certaine manière nous ont menés là, alors l’effort de transformation de nos habitudes et de nos cadres de pensée peut être bienvenu. Maintenant, si le caractère dramatique de la situation et la peur qu’elle suscite doivent signifier – comme on en perçoit déjà les signes – qu’on va prendre des mesures sécuritaires et biosécuritaires renforcées, si l’on se met à nous vanter le modèle chinois comme supérieur à celui des démocraties, si cette période de quarantaine sert à mettre en place des outils de surveillance numérique, de zonage et de contrôle des populations dont l’usage se pérennise, l’après sera peut-être même pire que le pendant. Nous voilà ramenés à une problématique philosophique assez classique : est-ce que l’exceptionnel doit devenir normatif ? Comme nous vivons une crise de nature virologique, elle ouvre de surcroît une ère du soupçon. L’autre ne représente-t-il pour moi qu’une menace ? Universalisées, de telles suspicions empêchent de faire monde. Jusqu’où va-t-on aller ? Enverra-t-on des drones surveiller les rues, comme dans les mégapoles chinoises ? Si l’on suit cette pente, nous allons vers des évolutions fortes de nos sociétés, mais pas vraiment celles auxquelles aspirent ceux que j’appellerai les « utopistes du monde d’après ».

     

    “Quelle que soit leur nécessité circonstancielle, les mesures adoptées par la France sont inadmissibles en regard de ce qu’est un État de droit”

    Michaël Fœssel

    Ne seriez-vous pas, pour une fois, d’accord avec le président des États-Unis Donald Trump, qui s’est exclamé qu’il ne faudrait pas que le remède soit pire que le mal ?

    Donald Trump pense exclusivement aux aspects financiers de la chose et il participe de ce débat qui a lieu d’être, mais qui n’est pas suffisant à mon avis, entre décisions prophylactiques (=qui prévient la maladie) et impact économique de ces mesures sur la croissance. Ces considérations ont largement orienté les choix des responsables politiques, qui ont eu à se décider entre la stratégie de l’immunité collective et celle du confinement. Cependant, pour revenir à votre formule, elle a le mérite de souligner que le remède est souvent un mal. Les mesures adoptées par la France sont, peut-être, inévitables – mais ne perdons pas de vue qu’elles demeurent scandaleuses. Quelle que soit leur nécessité circonstancielle, elles sont inadmissibles en regard de ce qu’est un État de droit (= un Etat soumis à des lois qui limitent son pouvoir). Cela mérite d’être rappelé, car il existe une tentation de faire de la crise un champ d’expérimentation.

     

    Aux balcons de Rome sont apparues des banderoles où il était écrit : « Le romantisme de la quarantaine est un privilège de classe ». Est-ce que la crise sanitaire actuelle ne révèle pas aussi une fracture sociale, une lutte des classes, entre ceux qui continuent de travailler en s’exposant à la maladie et ceux qui profitent de la quarantaine dans des conditions confortables ?

    Je n’aurais pas une lecture aussi classiste dans la mesure où, parmi ceux qui sont, comme on le dit à tort, « au front », il y a des médecins, qui n’appartiennent pas aux classes laborieuses défavorisées. Cependant, j’observe à Paris qu’il y a beaucoup de gens qui n’ont nulle part où aller. Les SDF, certains migrants n’ont guère d’endroit où se confiner. Par ailleurs, le confinement est tantôt vécu comme un loisir, tantôt comme une séquestration. Dans la formule : « Restez chez vous ! », le « chez vous » n’est guère interrogé. Tout le monde n’a pas le même chez-soi. Certains n’en ont même pas du tout, ce qui s’entend matériellement pour les SDF, mais aussi psychiquement pour ceux qui redoutent plus que tout d’être renvoyés à leur intériorité. L’expérience que nous vivons actuellement est universelle, dans la mesure où la moitié de la population mondiale est – sur le papier du moins – confinée, mais l’universel ne signifie pas pour autant l’égalité. Face à une contrainte qui s’applique à tous, les écarts des positions de départ jouent à plein.

     

    Après ce confinement, ne risque-t-on donc pas de voir revenir une crise sociale de forte ampleur, comparable au mouvement des « gilets jaunes » ?

    Les conséquences économiques de cet épisode sont encore à venir. Elles iront dans le sens de l’aggravation de la crise sociale, qui n’a pas disparu comme par enchantement. C’est aussi pourquoi les utopies du monde d’après doivent être prises avec prudence ; cette crise ne survient pas à partir de rien, sur un sol neutre. Je n’ai pas la compétence ni les moyens pour faire des projections sur les effets sociaux de ce que nous vivons, par contre la dimension politique me paraît alarmante. En effet, la rapidité et la facilité avec laquelle on adopte des mesures exceptionnelles n’ont été possibles que parce que nous avons déjà fait l’expérience de l’état d’urgence, lors de la lutte contre le terrorisme. Du reste, la manière dont l’exécutif a qualifié d’emblée cette lutte contre une maladie de « guerre », avec tous les aspects juridiques que cela recouvre, montre qu’en fait, aussi inédit et irreprésentable soit l’événement, il intervient dans un contexte où son interprétation dominante risque d’être de type autoritaire.

     

    Vous ciblez la rhétorique d’Emmanuel Macron et d’Édouard Philippe ?

    À la suite de leurs prédécesseurs, ils n’ont pas seulement une rhétorique, mais aussi une pratique de type autoritaire. On pouvait déjà avoir des doutes sur l’expression de « guerre contre le terrorisme » ; cette fois-ci, il y a lieu d’être encore plus prudent. La logique épidémiologique (=de l'épidémie) veut que le virus soit invisible, mais qu’il prenne place dans des corps qui sont, eux, très visibles. On ne confine pas le virus, on confine des corps, parce que ces corps sont supposés porteurs du virus. Je ne critique pas cette stratégie comme telle ; je relève simplement qu’elle consiste à faire comme si nous étions tous malades, et donc potentiellement contagieux. Nous voici donc sur une crête. Nous admettons provisoirement que l’État postule que nous sommes tous des menaces, pour nous-mêmes et pour les autres. Mais soyons vigilants à ne pas laisser s’installer cet a priori de la suspicion au-delà de la crise sanitaire. La médecine est une lutte pour la vie. Contrairement à la guerre, elle n’appuie pas ses victoires sur la mort.

     

    Comment avez-vous réagi, quand le gouvernement français a appelé les désœuvrés à aller aider les agriculteurs ?

    Cela m’a semblé assez lunaire ! D’abord, j’y ai vu une injonction contradictoire : faut-il rester chez soi ou aller prêter main-forte aux exploitants agricoles ? Ensuite, nous ne vivons pas une guerre, mais une sorte d’occupation par le virus ; dans ces circonstances, l’agriculture et la nourriture prennent une importance centrale. Les incitations à la consommation d’objets superflus sont mises sous le boisseau. Si l’on a une pente idéologique conservatrice, on dira que nous sommes ramenés à l’essentiel, « la terre ne ment pas »… Selon moi, nous ne nous trouvons nullement ramenés à l’essentiel, mais simplement à l’élémentaire biologique. Entre l’élémentaire et l’essentiel, il y a toute la distance qui sépare le corps de la liberté.

     

    “Je crains que l’on considère la frontière comme une mesure de sûreté générale qui conservera toute sa pertinence après la décrue de l’épidémie”

    Michaël Fœssel

    Hannah Arendt n’expliquait-elle pas qu’on ne peut jamais fonder une politique sur la zôế, sur la « vie » au sens animal des humains ?

    Oui, à quoi il faut ajouter avec Michel Foucault que le vivant n’est pas extérieur au politique. Dans les situations d’exception comme celle que nous traversons, le monde se voit préférer la vie, et la vie est comprise comme simple survie. Il y a eu plusieurs doctrines gouvernementales – pour être généreux, on dira qu’il y a eu du flottement. D’abord, on nous a expliqué que le virus ne s’arrêtait pas aux frontières, ce qui, pour un cosmopolite (=qui s'accommode de tous les pays, de moeurs variées) comme moi, avait un son plutôt sympathique. Sauf que, quand on rétablit les frontières physiques, le virus – qui est véhiculé par des corps – s’arrête bel et bien. Le confinement est même une création de nouvelles frontières aux bornes de l’intime. Cela ne me dérange pas que l’on rétablisse ou que l’on érige des frontières pour trois mois. En revanche, je crains que l’on en vienne à considérer la frontière comme une mesure de sûreté générale qui conserve toute sa pertinence après la décrue (=la baisse) de l’épidémie.

     

    Vous avez écrit un essai sur La Nuit. Vivre sans témoin  [Autrement, 2017], dans lequel il est question des excès. Or les dépendants aux diverses substances psychotropes peuvent vivre une période de désintoxication forcée, dans certains cas très violente. N’est-ce pas une souffrance taboue mais réelle ?

    J’ai même lu qu’un préfet avait – avant de changer d’avis – jugé bon d’interdire la vente de l’alcool… Ceux qui s’imaginent que l’essentiel, c’est la nourriture, et qu’à partir du moment où on a un placard bien rempli, on devrait rester tranquille chez soi se montrent de piètres connaisseurs de la nature humaine. L’impératif peut prendre bien d’autres formes. Beaucoup de gens – les toxicomanes mais aussi les dépendants aux psychotropes médicamenteux – vivent perpétuellement hors d’eux-mêmes. Par toutes sortes de moyens, ils cherchent à fuir un chez-soi ou une intériorité qui leur est insupportable. Pour ceux-là, le confinement est dangereux, source de souffrances. De même qu’il y aura des morts du Covid-19, il y aura des morts du confinement. Aux Pays-Bas, les coffee shops [où le cannabis est en vente libre] ont été fermés puis rouverts au bout de deux jours, compte tenu des effets immédiats : les autorités néerlandaises ont vu se constituer lors de ce bref intervalle un trafic parallèle exponentiel. Quant aux masques, des vendeurs ambulants sont apparus dans ma rue, qui en proposent à la sauvette, alors qu’il y a officiellement pénurie. Le capitalisme a une résilience assez extraordinaire, et, là où il y a demande, on finit toujours par produire une sorte d’offre. Plus généralement, on ne peut pas fonder une politique universelle et globale en partant d’un imaginaire de la vie bourgeoise, sereine et familiale. Le gouvernement en France commence à réagir – pas sur la question des drogues, là ça va être une catastrophe. Les services sociaux ont du moins pensé au bout de dix jours à lancer une ligne téléphonique pour les cas psychiques. Les périodes d’exception n’interdisent pas une réflexion sur ce que Foucault appelait les « vies infâmes », celles que la morale dominante réprouve, qui sont rejetées dans l’invisibilité et en dehors du cours normal de l’expérience, mais qui se manifestent dans les situations de couvre-feu. Un héroïnomane qui n’a pas sa dose sortira pour la trouver, il n’y a pas besoin d’être addictologue pour le comprendre.

     

    Vous avez écrit sur Consolation de la philosophie  du philosophe latin Boèce [480-524]. Ce titre vous paraît-il pertinent en ce moment ?

    Pour ceux qui ne sont pas absorbés par le télétravail ni par le travail, une question se pose : que faire ? La lecture me paraît être une solution d’une valeur au moins égale au Web ou à BFM-TV, même si je constate la difficulté de lire, c’est-à-dire de s’extraire d’une situation d’urgence qui tend à faire corps avec nous. Idéalement, il faudrait pouvoir lire des œuvres qui n’ont rien à avoir avec l’actualité. Ce n’est pas exactement une consolation, mais une diversion. Si l’on ne peut pas faire abstraction de la situation, les stoïciens sont une lecture adaptée, parce que c’est une philosophie pour temps de crise, qui a été conçue après l’effondrement de la cité grecque. C’est une doctrine pour un individu confronté à un monde qui s’effondre ; les stoïciens prônent une voie de sagesse individuelle et une relativisation de la question de la mort. L’un des thèmes majeurs de la philosophie stoïcienne, c’est l’exil. Aujourd’hui nous ne sommes pas exactement exilés, mais plutôt en réclusion – le point commun est que nous ne sommes pas là où nous aimerions être. La morale ou la consolation stoïcienne consiste à rappeler que nous ne pouvons rien à l’événement qui s’abat sur nous, mais que nous sommes en mesure d’agir sur les représentations que nous avons de cet événement. En temps normal, une telle doctrine est suspecte de nous habituer à l’inacceptable. Mais dans les mauvais jours de l’existence, et tant qu’il n’y a rien de concret à faire, elle a son utilité.

    Propos recueillis par ALEXANDRE LACROIX

    Directeur de la rédaction

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Voici ma réaction à cet article de PHILOSOPHIE MAGAZINE dans le magazine lui-même:

     

    Merci de combler ces silences de l'exécutif que je trouve alarmants et de mettre le doigt là où ça fait mal! Je me sens parfois dans un état policier où ce glissement n'a pas été interrogé. Très peu de journalistes ont l'audace de dire ce qui se dit ici. Donc, merci! On se sent moins seule de voir que notre liberté est attaquée sans pédagogie, vers un glissement autoritaire du pouvoir, que personne ou presque ne conteste. Serait-ce la peur de mourir qui conduirait à oublier le socle de notre démocratie: LIBERTE, égalité, fraternité! (déclaration des droits de l'homme et du citoyen). 

     

    Les textes fondateurs semblent avoir été oubliés!

     

    Mais heureusement il y a quelques rares voix que je n'entends que dans ce magazine qui mettent le doigt là où cela fait mal. On ne parle que des gens insouciants et égoïstes qui supportent mal le confinement, mais parle-t-on de tous ceux qui souffrent en silence, luttant seuls contre la dépression, contre l'absence de liberté et d'altérité? Non, il était temps que certaines voix s'élèvent contre ce qui constitue un danger pour notre démocratie. Pourtant, Macron a fait des études de philosophie, mais il semble en avoir oublié les fondamentaux. Ses silences sont inquiétants et masquent des choix qui m'effraient.


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